Sous les yeux impuissants des citoyens et les roues hésitantes des camions, le tunnel de Gbessia, censé fluidifier la circulation entre l’aéroport international de Conakry et le reste de la capitale, s’est une fois de plus transformé en fleuve urbain. Une inondation de plus.
Un scandale de trop. Une infrastructure publique qui incarne à elle seule le naufrage d’un État incapable de respecter sa propre population, surtout lorsqu’il pleut.
À chaque saison des pluies, le même spectacle se répète : ce tunnel, construit sous l’autorité de Lansana Kouyaté alors Premier ministre, devient un bassin stagnant d’eaux troubles, un piège mortel pour véhicules et piétons, un théâtre d’humiliation nationale. Et pourtant, ce projet fut présenté comme un symbole de modernisation. Il est aujourd’hui l’emblème de la médiocrité érigée en politique publique.
L’eau comme verdict
Quand l’eau monte, elle révèle ce que le béton voulait cacher : l’absence de rigueur, de vision, d’écoute citoyenne. Un tunnel sans système de drainage digne de ce nom dans une ville côtière sujette à de fortes pluies relève soit de l’incompétence, soit du mépris. Les deux, probablement.
La question n’est pas seulement technique. Elle est éthique. Comment un projet de cette envergure a-t-il pu être conçu, financé, construit et inauguré sans prévoir l’essentiel : évacuer l’eau ? Combien de rapports d’experts ont été ignorés ? Combien de marchés publics ont été surfacturés pour aboutir à une telle absurdité ? Et surtout, qui rendra des comptes ?

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Kouyaté, l’architecte du fiasco ?
Lansana Kouyaté, célébré un temps comme le “technocrate venu sauver la Guinée”, porte une part immense de responsabilité dans ce chantier qui n’en finit pas de noyer les espoirs de ceux qui y croyaient. À l’heure où la CRIEF est censée restaurer la confiance dans la justice économique, il serait temps de convoquer ceux qui ont bétonné notre misère et institutionnalisé le dysfonctionnement.
Car un tunnel qui tue n’est pas une anecdote : c’est un crime d’urbanisme. Et ceux qui l’ont permis doivent répondre devant le peuple, et devant l’Histoire.
Une nation ensevelie dans la médiocrité
On ne construit pas un pays avec des slogans. « Mon pays, ma bière », affiche la publicité joyeusement perchée sur le pont. Mais dans le gouffre en dessous, c’est « Mon pays, mon naufrage » que les citoyens lisent, en silence, les pieds dans l’eau. Ce tunnel, au lieu d’être une voie de passage, est devenu un miroir : il nous renvoie notre incapacité chronique à construire du durable, du sérieux, de l’utile.
Il est temps d’arrêter de rire sous la pluie, et de commencer à demander des comptes.
Par Siba Béavogui