Enquête: 20 millions de dollars dans les poches d’Ousmane Doumbouya et Bouna Sylla, pendant que le pays tire le diable par la Queue
Lorsque le colonel Mamadi Doumbouya annonça, tambour battant, la suspension générale des permis miniers, une onde de choc secoua la capitale.
Certains crièrent à l’arbitraire, d’autres pleurèrent leurs millions perdus.
Mais dans les couloirs feutrés du ministère et les salons tamisés du pouvoir, certains ricanèrent en silence : ils avaient déjà encaissé.
Plus de quarante dossiers miniers seraient concernés, selon une source confidentielle proche de l’inspection présidentielle.
Et dans l’œil du cyclone, deux noms reviennent comme un refrain entêtant : Bouna Sylla, ministre des Mines, et Ousman Doumbouya, l’insaisissable conseiller du président, cerveau de l’ombre et architecte du silence.
À eux deux, ils auraient empoché au moins 20 millions de dollars, juste avant que le rideau ne tombe.
Des faux contrats pour une vraie arnaque d’État
Ils ont volé sans arme, racketé sans rançon, arnaqué sans bruit.
Une opération d’une finesse redoutable, maquillée sous les habits ternes de la bureaucratie.
Le MoU, ce mémorandum d’entente généralement anodin, a été métamorphosé en instrument de prédation systémique.
Dans ce thriller politico-financier, tout commence par un geste simple : une signature.
Mais entre les mains de Bouna Sylla et sous la protection active d’Ousman Doumbouya, le MoU devient la première scène d’un scénario bien rodé.
Mode opératoire : simple, discret, efficace
1. Un investisseur enthousiaste, souvent étranger, parfois naïf.
2. Un MoU tamponné, mis en scène comme un passeport vers le Graal : le permis d’exploitation.
3. Une facturation feutrée : frais de procédure, accès aux audiences, engagements préalables… tout se monnaie en silence.
À chaque dossier, plusieurs centaines de milliers de dollars changent de mains.
Et à la fin du tour de passe-passe : aucun permis, aucun projet, aucune trace.
Juste une promesse creuse, vendue comme un avenir.
Pendant ce temps, les francs guinéens se font rares dans les banques, et les caisses publiques sonnent creux.
20 millions évaporés pendant que le peuple s’endette
Nos investigations croisées entre sources internes au ministère, investisseurs lésés et documents confidentiels révèlent une estimation glaçante : plus de 20 millions de dollars auraient été subtilisés depuis l’annonce présidentielle sur les permis.
Au cœur de cette opération : SD Mining, société chinoise, qui aurait injecté à elle seule plusieurs millions de dollars, croyant accéder à une mine stratégique.
Ce qu’elle a reçu en retour ?
Une illusion savamment construite, des tampons, des lettres sans valeur, des promesses en costume-cravate… et un silence bien organisé.
Le système : une chaîne de prédation rationalisée

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Le réseau est huilé comme une machine de guerre, chaque rouage à sa place :
• Les prospecteurs privés, souvent anciens hauts cadres, reconvertis en consultants discrets, traquent les proies à fort potentiel.
• Les facilitateurs, bien introduits dans les chancelleries ou la Présidence, ouvrent les portes… moyennant rémunération.
• Le noyau dur, au sein même du ministère, orchestre les signatures, les MoUs, les fausses pistes.
• L’effacement, enfin : aucun paiement n’apparaît dans les comptes publics. Tout disparaît dans l’opacité légalisée.
Ce que les spécialistes nomment désormais la captation symbolique procédurale :
L’art de transformer un document sans valeur juridique en machine à cash invisible pour l’État, mais bien réelle pour ceux qui le pillent.
L’État transformé en décor, les ministres en metteurs en scène
Le système ne repose ni sur la force ni sur la violence.
Il repose sur l’instrumentalisation méticuleuse des symboles de la République :
• Le blason,
• La signature,
• L’audience officielle,
• L’acte tamponné.
L’État devient un décor, une façade derrière laquelle se négocient les pillages.
Le ministre devient scénariste, et Ousman Doumbouya le producteur exécutif, protecteur zélé de ce théâtre mafieux.
Le prix d’entrée ? Payable en devises.
Le silence ? Payable plus cher encore.
Ce que le peuple exige, ce n’est pas un spectacle. C’est la justice.
La Guinée n’a pas besoin de faux-semblants.
Elle a besoin d’institutions solides, d’un État intègre, d’un secteur minier honnête.
Elle a besoin qu’on lui rende ce qu’on lui a pris.
Car ce que ces deux prédateurs ont capté, à coups de MoUs et de manipulations silencieuses, aurait pu financer des hôpitaux, créer des milliers d’emplois, soutenir des écoles, des maternités, des routes.
Vingt millions de dollars.
Disparus dans les poches de deux délinquants d’élite, pendant que le peuple peine à acheter un sac de riz.
Et pourtant, le scandale ne fait que commencer.
Par Siba Béavogui