“Redressement”, “relance”, “espoir”… Ces mots font vibrer les claviers, mais pas encore les chiffres. En Guinée, la communication institutionnelle a toujours eu le don d’habiller la misère en miracle. Le bilan des 100 jours d’Aladji Cellou Camara à la tête de l’OGP ne déroge pas à la règle.
Au lieu d’un diagnostic sérieux et d’un plan d’action soutenu par des données concrètes, le peuple a droit à une mise en scène politique, certes bien rédigée, mais fondamentalement creuse. Décryptage d’un coup médiatique maquillé en succès stratégique.”
Une mise en scène émotionnelle, pas une démonstration économique
Dans une opération de communication orchestrée à la virgule près, on nous sert un tableau dramatique à l’entrée en fonction de la nouvelle direction : 146 000 GNF en caisse, une dette fiscale de 42 milliards, des arriérés de salaires estimés à 8 milliards, et un personnel démoralisé. Un storytelling bien huilé, mais sans preuve d’audit, sans rapport d’inspection externe, sans source indépendante.
À la place, une succession d’annonces : restructuration, digitalisation, renégociation de contrats, réorganisation interne… Autant de mots séduisants pour masquer l’absence d’impact mesurable. Aucune donnée sur les recettes recouvrées, aucun détail sur les nouveaux contrats signés, aucune publication de résultats concrets.
La réalité du marché publicitaire guinéen : maigre, instable et sous-développé
La vérité, c’est que le marché publicitaire guinéen plafonne à peine à 18 millions de dollars par an. Dans ce désert économique :
• moins de 30% du marché passe par l’affichage public (secteur principal de l’OGP),
• la majorité des campagnes sont négociées à l’international (Abidjan, Paris),
• les grandes régies privées échappent au contrôle réel de l’État,
• et les PME locales n’ont pas les moyens de campagnes massives.

À cela s’ajoute une absence totale de politique de soutien à la créativité, aux agences locales, au numérique, à la communication de marque. L’OGP évolue donc dans un écosystème publicitaire fragmenté, informel et en crise.
Des annonces chiffrées sans fondations réelles
Payer trois mois d’arriérés de salaire n’est pas une réforme, c’est une obligation.
Créer un organigramme n’est pas une innovation, c’est un minimum.
Mettre fin au billetage n’est pas un exploit, c’est juste rattraper un retard de dix ans.
Et pendant ce temps, aucune stratégie sérieuse n’est proposée pour :
• élargir la base d’annonceurs,

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• professionnaliser le secteur,
• réguler la publicité sauvage,
• créer des incitations fiscales à l’investissement publicitaire local.
Résultat ? L’OGP demeure un guichet sous perfusion, incapable de produire de la valeur durable sans transferts de charges, subventions ou rattrapages d’arriérés.
Un redressement durable exige bien plus qu’un bon discours
L’actuelle direction aurait gagné en crédibilité si elle avait :
• publié un audit complet de la dette et des créances à recouvrer,
• révélé les noms des gros débiteurs protégés par les régimes précédents,
• lancé une plateforme numérique de commande publicitaire ouverte à la diaspora,
• proposé une loi incitative sur l’investissement publicitaire local.
Au lieu de cela, elle s’offre un article de propagande pour se féliciter d’avoir… redécouvert les fondamentaux de la gestion publique.
Ce que mérite la Guinée : un écosystème publicitaire fort, transparent et moderne
La relance de l’OGP ne viendra ni d’une page Facebook bien tenue, ni d’un recensement de panneaux illégaux. Elle viendra :
• d’une réforme fiscale en faveur de la publicité nationale,
• d’un fonds de soutien à la création d’agences et studios locaux,
• d’une digitalisation réelle du marché, avec tableaux de bord publics,
• et d’une rupture courageuse avec les pratiques clientélismes héritées du passé.
La Guinée ne se développera pas par des slogans de redressement. Elle se relèvera quand ses institutions feront preuve de rigueur, de transparence et de vision à long terme. L’OGP a aujourd’hui une opportunité : prouver que ce n’est pas une régie de plus à maquiller pour les caméras.
À défaut, les 100 jours resteront un feu de paille dans la nuit noire de l’improvisation.
Par Siba Beavogui