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Enquête – Péages sur la RN1 : L’arrogance d’un État voleur face à des paysans sacrifiés

Il y a des moments où l’on sent que le pouvoir a définitivement perdu le sens de la dignité. Le poste de péage érigé sur la RN1, flambant neuf mais moralement pourri, est l’une des illustrations les plus insultantes de cette arrogance institutionnalisée. Là où l’État devrait protéger ses citoyens, il se transforme en racketteur autorisé. Là où il devrait soulager les paysans, il les saigne à blanc.

Une taxe de trop sur des poches déjà vides

Dans un pays où près de 64% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté (Banque mondiale, 2023), chaque franc arraché au paysan est une humiliation nationale. Ce péage n’est pas une solution logistique, c’est une attaque contre les ventres vides des femmes au marché, contre les efforts des producteurs agricoles qui tirent le diable par la queue pour acheminer un sac de manioc ou un cageot de tomate jusqu’aux étals de Madina.

Pas d’aide au transport, pas de logistique, pas d’appui institutionnel. Zéro subvention. Zéro pitié. Zéro vision. Et pourtant, ces mêmes autorités trouvent le moyen de prélever quelques 15 000 GNF par passage pour les gros porteurs, sans transparence, sans contrepartie, sans honte.

Un racket d’État sous couvert de développement

On nous parle de “mobiliser des fonds pour d’autres projets d’intérêt public”. Quelle ironie ! Alors que le Fonds d’Entretien Routier (FER) collecte déjà une taxe de 400 GNF par litre de carburant vendu en Guinée, soit plus de 180 milliards GNF par an, selon les estimations croisées des rapports du secteur énergétique. Où passe donc cet argent ?

La vérité est amère : les recettes du carburant, les taxes douanières sur les véhicules, les fonds du FMI, les prêts chinois, tout est dilué dans un océan d’opacité, pendant qu’on fait payer aux pauvres le prix d’une route déjà budgétisée depuis le régime précédent.

Les péages : le nouvel eldorado de la corruption

Le gouvernement actuel prévoit d’ajouter trois nouveaux péages sur la RN1, en plus de ceux projetés sur les RN4 et RN6. Additionnez-les aux centaines de postes militaires illégaux qui pullulent sur les axes routiers : les chauffeurs paient, les paysans trinquent, et le citoyen lambda subit l’inflation en silence.

Résultat ? Une hausse généralisée du coût du transport. Selon les syndicats de transporteurs, le prix moyen du fret a augmenté de 23% depuis le déploiement du premier poste de péage. Ce sont les femmes des marchés populaires, les enfants en sous-alimentation, les familles précaires, qui en paient le prix final à la caisse.

Des promesses en trompe-l’œil, un État sans projet agricole

Pendant que le gouvernement fait semblant d’investir dans les routes, le secteur agricole – pilier de l’économie nationale – ne bénéficie d’aucune politique de sponsoring ni d’appui logistique.

Aucune réforme sérieuse. Aucun fonds de soutien aux coopératives rurales. Aucun plan d’équipement mécanisé. Rien que des discours. Pourtant, près de 80% des Guinéens vivent directement ou indirectement de l’agriculture (FAO, 2024).

Mais où vont nos richesses ?

Pendant qu’on presse les pauvres comme des citrons, la Guinée exporte chaque mois :

Plus de 6 millions de tonnes de bauxite,

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• Des dizaines de tonnes d’or raffiné,

• Et une valeur estimée à 3,2 milliards USD de ressources minières par an (ITIE Guinée).

Et malgré cette manne colossale, on nous dit qu’il faut installer des péages pour entretenir les routes ? Quelle mauvaise foi ! Quel scandale de plus ?

Le faux argument du Conseil d’administration du FER : une diversion !

Voici leur défense : « Les routes se dégradent parce que le budget est insuffisant, que les gros porteurs détruisent la chaussée, et que l’incivisme règne. »

Une formule creuse, qu’on croirait tout droit sortie d’un manuel de propagande de la Banque mondiale.

Mais la vérité, c’est que l’État a failli. Il a failli à planifier, à surveiller les charges, à punir la corruption dans les marchés publics. Ce n’est pas au peuple de payer les pots cassés d’un système défaillant.

Et que dire de la modification express de la loi sur les péages, adoptée un samedi dans la précipitation ? Un samedi ! Comme pour éviter les regards gênants. Comme pour mieux dissimuler un marché déjà bouclé.

À qui profite ce vol organisé ?

Un fait troublant demeure : l’ancien régime d’Alpha Condé avait déjà mobilisé les financements pour le bitumage des routes nationales.

Alors pourquoi reprendre un prêt ? Pourquoi relancer les mêmes projets avec de nouvelles dettes ?

Il y a anguille sous roche. Et cette anguille a le goût amer de la double facturation, des surfacturations, des marchés opaques et de la corruption systémique.

La Guinée n’a pas besoin de péages. Elle a besoin de justice. De transparence. De dignité.

Le peuple n’est pas une vache à lait. Trop, c’est trop.

Guineefutur.info continuera de traquer la vérité derrière chaque franc volé.

Par Siba Beavogui – GuineeFutur.Info

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