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La satire, refuge de la vérité prudente

Bonjour et bon Djouma à toutes et à tous. Il est temps de s’accorder une bonne fois pour toutes sur le fonctionnement de cette page.

Jadis réservée aux amis, elle est désormais ouverte à tous, et depuis cette ouverture, les “insultologues” s’y ruent tels des essaims d’abeilles attirés par une ruche bien garnie.

Ici, nous usons régulièrement pas systématiquement de la satire pour décrire, analyser et informer sur divers aspects de l’actualité : politique, société, économie, culture, sport ou science. Ce style rappelle celui du journal Le Lynx, ce vieux compagnon de la presse guinéenne qui maniait la dérision pour mieux faire réfléchir.

Mais qu’est-ce que la satire au juste ? C’est une écriture ironique et moqueuse qui dénonce les travers des individus et les dérèglements d’une société. Elle cherche à provoquer une réaction de réflexion, parfois de rejet, mais toujours dans l’espoir d’une prise de conscience. Son arme principale est l’humour, souvent mordant, et sa fonction demeure critique et provocatrice, non pour détruire, mais pour éveiller.

Dans un environnement où les journalistes disparaissent sans qu’on sache toujours pourquoi ni par qui, ce style représente une armure. Il protège autant qu’il interpelle. Mieux vaut manier le sarcasme que l’accusation directe, car le premier fait sourire avant de piquer, tandis que la seconde attire des représailles rapides. D’autant plus que les auteurs des violences dirigées contre les médias ne sont pas toujours ceux que l’on soupçonne au premier regard. Dans cet environnement où ne sait pas exactement qui est qui, ce choix de ton n’est pas de la lâcheté, c’est de la prudence. Nous préférons vivre assez longtemps pour continuer à écrire, instruire tout en recevant et, accessoirement, élever nos enfants. Dans un monde où la menace porte souvent un masque amical, la vigilance reste la meilleure des assurances-vie.

Malgré cela, les attaques pleuvent. Elles ne sont pas encore mortelles, mais elles piquent, souvent dans un registre très primaire, du genre “golo guèmè”. Soit notre manière d’écrire irrite, soit certains lecteurs, notamment parmi les militants d’un certain “grand parti”, manquent de finesse pour saisir la nuance. Ces nouveaux gladiateurs du verbe sont devenus les champions toutes catégories de l’injure la plus crasse.

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Prenons un exemple récent : celui du “Parti Serviteur du Peuple” (PSP). J’ai eu l’outrecuidance d’écrire ici qu’il s’agissait d’un parti inconnu de la plupart des Guinéens, ajoutant sur le ton de la plaisanterie que son nom seul faisait sourire. J’écrivais, entre autres, que la présidentielle de 2025 risquait de ressembler à une grande kermesse nationale, tant les candidatures foisonnaient et prêtaient à rire.

Depuis cette publication, mon inbox déborde de réactions. Peu nombreux sont ceux qui ont cherché à m’éclairer sur les ambitions ou le programme de ce parti, comme Monsieur Fofana. En revanche, les insultes ont fusé comme des flèches. Pour beaucoup, il faudrait être « d’une basse naissance » pour ignorer l’existence du PSP. Voilà une étrange manière de rallier des sympathisants. Après quelques recherches, j’ai appris que le président de ce parti est le docteur Oumar Kéita, recteur d’une université publique à N’Zérékoré. Homme instruit et apparemment rigoureux, il mérite l’attention du public. Mais que cela soit clair, on ne peut pas forcer quelqu’un à connaître ce qu’il ne connaît pas.

Journaliste depuis les années 90, j’ai côtoyé, étudié ou observé de l’extérieur et en Guinée, les figures politiques de ce pays, du professeur Alpha Condé à Siradiou Diallo, de Bâ Mamadou à Jean-Marie Doré, de Kouréissy Condé à Bah Oury et Cellou Dalein Diallo. Sur chacun, je pourrais écrire un livre, sur des aspects d’eux-mêmes qu’ils ignorent. Ce que j’ai écrit sur le PSP n’était ni une moquerie gratuite ni une attaque. Simplement une remarque sincère. Si cela console certains, alors disons que je connais ce parti depuis toujours, histoire de calmer les susceptibilités.

Plus sérieusement, un parti politique ne se fait pas connaître en criant au scandale sur les réseaux sociaux, mais en s’implantant dans le pays réel. C’est le terrain, non le clavier, qui donne la légitimité. Le charisme du leader peut amplifier ce travail, à condition qu’il soit accompagné d’un projet crédible. L’exemple de Kouréissy Condé reste parlant. Il s’est imposé grâce à la presse privée mais surtout à son verbe et à son intelligence stratégique. Ce qui a motivé Ibrahima Kassory Fofana à le proposer au Général Lansana Conté comme ministre de la Sécurité. Aujourd’hui, peu se souviennent que son parti s’appelait ARENA, mais tout le monde se rappelle l’homme. Mais il est un danger que quand le chef brille plus que la maison qu’il habite, l’organisation finit dans l’ombre. Je souhaite au docteur Kéita de réussir l’inverse, de ne pas sacrifier son parti à son aura personnel.

En somme, cette page ne prétend pas détenir la vérité ni distribuer des brevets de compétence. Elle tente simplement de réfléchir, d’informer et souvent, à travers la satire, de secouer les certitudes. Ce n’est pas un tribunal mais un miroir. Chacun y voit ce qu’il veut, parfois ce qu’il redoute.

Quant à la longueur de ce texte, qu’on me pardonne. Le week-end commence, et c’est le moment idéal pour lire lentement, sourire un peu, réfléchir beaucoup et, surtout, apprendre à ne pas confondre la satire avec la méchanceté. L’une éclaire, l’autre aveugle.

Fin de mise au point.
Source: Abdoulaye Sankara 

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