A quelques jours du scrutin référendaire, le leader du Bloc Libéral, Dr Faya Milimouno, réaffirme son appel à voter NON ce texte proposé par les autorités de la transition. Loin de prôner le boycott, comme cela a été souvent le cas dans l’histoire politique guinéenne, il appelle à un rejet ferme et massif dans les urnes. Son mot d’ordre est sans équivoque : « Le 21 septembre, allez voter, et votez NON. »
« Le boycott est stérile, le NON est libérateur »
Pour Dr Faya Milimouno, le temps n’est plus à l’abstention. Le Président du BL estime que les précédents appels au boycott, sous les régimes de Lansana Conté et d’Alpha Condé, ont été des erreurs stratégiques ayant laissé le champ libre à l’adoption de textes jugés liberticides. Selon lui, le boycott ne fait qu’amplifier le silence du peuple face à des projets antidémocratiques.
« Le boycott n’est pas une option. Depuis Lansana Conté jusqu’à Alpha Condé, l’opposition a appelé à boycotter les référendums. Mais elle a toujours fini par participer aux élections qui ont suivi. Résultat ? Cela n’a rien change, car les textes sont restés en vigueur et le peuple a été privé de son droit de s’exprimer », martèle-t-il.
Le principal grief porté par Faya Milimouno contre la nouvelle Constitution concerne l’article 74, qui accorde une immunité civile et pénale aux anciens Présidents pour les actes commis durant leur mandat. Selon lui, cette disposition ouvre la voie à une spirale sans fin de violence, où chaque groupe militaire ou politique au pouvoir pourra se livrer à toutes les dérives, sans jamais rendre compte.
« On comprend aisément pourquoi, la constitution de mai 2010 avait rendu imprescriptible les crimes économiques et de sang. Alors que ces maux sont en train de s’enraciner davantage dans notre société, la constitution qui devait nous ressembler pour nous rassembler opte pour l’impunité.
En effet, l’article 74 accorde une immunité civile et pénale aux anciens Présidents et Chefs de 1État pour les actes commis pendant leurs fonctions. En termes clairs, cela signifie que les crimes de sang, les détournements massifs de fonds publics, les violations des droits humains ne pourront jamais être jugés.
Cet article est rédigé en termes flous et dangereux. Derrière cette ambiguïté se cache une seule volonté : protéger les dirigeants actuels et tous ceux qui, demain, viendraient confisquer le pouvoir par la force…Cela ne nous ressemble pas », a dénoncé Dr Faya Milimouno.

Dans son analyse, Faya Milimouno souligne également que cette Constitution affaiblit l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le Président de la République se voit octroyer un pouvoir de nomination massif, allant des membres de la Cour constitutionnelle aux magistrats des plus hautes juridictions.
« Le Président nomme les membres de la Cour constitutionnelle. Ce n’est plus un arbitre indépendant, mais une chambre d’enregistrement des désirs du pouvoir exécutif. Ce texte détruit l’équilibre des pouvoirs. Le Président peut dissoudre l’Assemblée nationale. Le Président n’est responsable devant personne.
Je veux insister à nouveau sur le danger de l’article 74. Si nous acceptons cette disposition, nous condamnons la Guinée à un cycle sans fin de violence et d’instabilité (…). Cela veut dire qu’aucun crime ne sera puni, que la justice sera définitivement enterrée, que les victimes et leurs familles n’auront jamais réparation. Ainsi, le seul chef de l’Etat à avoir été jugé et condamné pour des actes « commis » sous sa gouvernance est le Capitaine Moussa Dadis Camara.
Accepter l’article 74, c’est saper les fondements de la République, c’est faire du deux poids deux mesures», a aussi soulevé cet opposant.
Un « Président-roi »
Autre point de discorde : la concentration des pouvoirs entre les mains du chef de l’État. Le projet allonge le mandat présidentiel à 7 ans renouvelables une fois, soit un possible règne de 14 ans. « Même si un Premier ministre est prévu, il ne sera qu’un figurant. Car le Président le nomme et le révoque à sa guise. C’est donc un exécutif concentré dans les mains d’un seul individu, sans véritable équilibre.
Le Président contrôle aussi :
- La nomination des juges (Cour constitutionnelle, Cour suprême, Cour spéciale).
- L’organe électoral dit ‘’indépendant’’, mais en réalité placé sous son influence.
- Le budget et les commissions de développement.
Résultat : nous aurons un Président monarque, maître de l’exécutif, de la justice, du Parlement et même des élections. C’est ce qu’on appelle un hyper présidentialisme, synonyme d’autoritarisme ou de monarchie absolue. Cela ne nous ressemble pas », a aussi dénoncé Dr Faya Milimouno.
Des institutions coûteuses
L’acteur politique fustige également l’architecture institutionnelle qui selon lui est hypertrophiée : Assemblée nationale, Sénat, Cour spéciale, autorités indépendantes, commissions en tout genre. Selon lui, il s’agit d’un « monstre administratif » conçu non pour servir le peuple, mais pour distribuer des postes, des privilèges et des salaires.
« Cela donne l’apparence de la modernité, mais en réalité c’est une machine lourde, coûteuse et inefficace. Contrairement aux constitutions passées, dans le projet qui nous ai soumis, nous ne connaissons même pas le nombre de députés et de sénateurs ; nous ne connaissons même pas ce qu’on met sous le vocable ‘‘Autorités administratives indépendantes’’ ni combien seront ces autorités pour un pays où la majorité des enfants manquent d’écoles, de terrains de jeux et d’hôpitaux.
Des cours et commissions qui se chevauchent sans réelle utilité, mais qui engloutiront des milliards de nos impôts. Selon les estimations, ces institutions coûteront entre 11 000 et 15 000 milliards de francs guinéens par an, soit près d’un tiers du budget national.
En clair, au lieu de financer nos routes, nos hôpitaux, nos enseignants, ce projet de Constitution finance des fauteuils, des bureaux climatisés, des voyages à l’étranger des indemnités et des privilèges. Voilà le vrai visage de ce texte. Cela ne nous ressemble pas ! », observe aussi Dr Faya Milimouno.
Des droits proclamés mais conditionnés
Même si ce texte proclame des libertés fondamentales, mais selon l’opposant, elles sont immédiatement vidées de leur substance par des formulations floues : « sous réserve de l’ordre public », « dans le respect de la moralité », « selon la cohésion nationale ».
« Ces notions floues permettent d’interdire n’importe quelle manifestation, de censurer un média, de dissoudre un parti politique. En réalité, nos droits deviennent des privilèges accordés par le pouvoir, et retirés quand il veut. Le projet de nouvelle Constitution prétend garantir le pluralisme, mais elle soumet la création et le fonctionnement des partis politiques à une autorisation préalable du ministère de l’Administration du territoire.
Cela veut dire que l’opposition sera toujours à la merci d’un décret ou d’une décision arbitraire. C’est la porte ouverte à un parti unique déguisé, où l’opposition n’existe que par tolérance, non par droit. Cela ne nous ressemble pas », dénonce-t-il également.
Une fracture linguistique
Enfin, Faya Milimouno s’inquiète de l’officialisation de toutes les langues nationales aux côtés du français, qu’il qualifie de « bombe à retardement ».
« L’article 5 proclame que toutes les langues nationales sont officielles aux côtés du français. À première vue, cela paraît être une avancée. Mais en réalité, c’est une bombe à retardement. Quelle langue sera utilisée devant les tribunaux ? Quelle langue primera en cas de contradiction juridique ? Les traductions, les formations et les interprétations créeront des conflits sans fin. Dans un pays où les tensions sont déjà fortes, cette disposition risque d’aggraver les divisions et de fragiliser l’unité nationale », affirme-t-il.
Avec Africaguinee.com