On dit dans les villages d’Afrique : « Celui qui refuse de tendre une calebasse d’eau à l’agonisant n’a pas le droit de se glorifier en versant des jarres entières sur sa tombe. »
Mais voilà que le putschiste Doumbouya, maître en farces macabres, s’offre un théâtre funéraire autour du regretté journaliste Taban Sylla. L’homme qu’on a laissé mourir pour une misérable somme de 700 000 francs est soudain couvert de fleurs, de promesses et d’hommages officiels. Quelle ignominie !
Le témoignage de sa veuve glace le sang : un mari que l’hôpital refuse de soigner pour une dette dérisoire. Un confrère raconte que Taban, malade, errait dans Conakry comme un mendiant de la vie, à la quête d’une ordonnance de 400 000 francs. Et l’État ? Et le général Amara ? Silence. Absence. Complices par négligence.
Le comble de leur perversité narcissique s’est révélé dans cette convocation ignoble, où l’on traîne un malade, déjà brisé par la douleur, devant le haut commandement. Son prétendu crime ? Une infraction éhontée et sans la moindre éthique, née d’un simple erratum sur la nouvelle Constitution. Quelle ironie tragique ! Cette humiliation bureaucratique, infligée à un homme affaibli, fut l’ultime épreuve qui précéda sa mort.

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Alors, pourquoi tant de cadeaux après la mort ? Pourquoi ces couronnes quand on a refusé un comprimé ? Pourquoi ces discours officiels quand, vivant, l’homme a été abandonné dans l’indifférence ?
La vérité est simple et cruelle : Doumbouya et ses acolytes n’honorent pas Taban, ils utilisent son cadavre. Ils transforment la douleur des vivants en décor pour leur propagande. Ils pratiquent la sorcellerie politique la plus vile : se nourrir des dépouilles pour paraître humains.
Mais qu’ils se souviennent : dans nos traditions, l’esprit du défunt n’est pas une marionnette. L’âme de Taban, humiliée vivant et trahie mort, réclame justice. Et dans les cours africaines, on dit toujours que « le mort finit par juger les vivants ».
Par Siba Beavogui