Nouvelle Constitution – La responsabilité du commandement : le précédent juridique qui interdit la candidature du putschiste Doumbouya
Si la junte actuelle a jugé Dadis Camara, Ibrahima Kassory Fofana, Cellou Dalein Diallo et d’autres au nom du principe de la responsabilité du commandement, par quelle alchimie espère-t-elle échapper à cette même réalité ? Le droit ne connaît pas de passe-droit politique : celui qui revendique l’autorité doit aussi en assumer les crimes commis sous son régime.
Le droit est clair : un chef militaire ne peut se soustraire à la responsabilité des crimes commis sous son commandement. Mamadi Doumbouya a dirigé une unité impliquée dans des crimes de sang. Aujourd’hui, à la tête d’un régime issu d’un putsch, il porte la charge directe d’enlèvements, de disparitions forcées et de meurtres ciblés.
Ce principe est inscrit :
• Dans l’article 28 du Statut de Rome (responsabilité du commandement et autres supérieurs hiérarchiques), qui précise qu’un supérieur est pénalement responsable des crimes commis par ses subordonnés s’il savait ou aurait dû savoir et n’a pas pris les mesures nécessaires pour les empêcher.
• Dans les articles 6, 7 et 8 du même Statut, qui définissent respectivement le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, souvent invoqués dans les poursuites internationales.

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Aucun commandant ne peut invoquer l’ignorance pour se dédouaner. Lorsque vous acceptez le commandement d’hommes armés, vous acceptez aussi de porter le fardeau de chacun de leurs actes. Cette responsabilité n’est pas facultative : elle est au cœur même de l’éthique militaire et du droit international.
Pour tenter de justifier l’injustifiable, ils brandiront l’article 156 de la nouvelle Constitution, qui prévoit l’immunité des anciens chefs d’État pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Mais cet article ne saurait, en droit, couvrir Mamadi Doumbouya pour deux raisons juridiques irréfutables :
1. Juridiquement, un chef putschiste n’a jamais été un chef d’État légitime au sens constitutionnel.
2. Une partie des crimes dont il porte la responsabilité a été commise avant sa prise illégale du pouvoir, donc en dehors de tout cadre présidentiel.
Même s’il avait été un président élu, cette disposition ne lui serait pas applicable, car elle ne couvre pas les actes commis avant l’exercice légal de la fonction.
Si les dirigeants s’autorisent à célébrer leurs victoires, ils doivent aussi assumer le poids de leurs défaites et répondre des crimes commis en leur nom. Ce principe, consacré par la jurisprudence du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (affaire Delalic et al., 1998) et du Tribunal pour le Rwanda (affaire Bagilishema, 2001), rend juridiquement et moralement impossible toute candidature de Mamadi Doumbouya à une fonction suprême.
Par Siba Béavogui