Mouctar Diallo, désormais ex-président du parti Les Nouvelles Forces Démocratiques (NFD), a annoncé le 7 août 2025 sa démission de la tête du parti ainsi que son retrait de la vie politique.
Si cette décision peut, dans un premier temps, être saluée comme un choix personnel assumé, il serait hasardeux de la hisser trop vite au rang de modèle démocratique ou de geste héroïque. Certains thuriféraires s’y emploient déjà, occultant le fait qu’un tel départ ne peut être dissocié du contexte politique national, dont les dynamiques sont connues de tous. Ce déficit d’analyse éditoriale contribue à brouiller les repères et à travestir les véritables enjeux.
Il convient donc de tracer une ligne claire entre la reconnaissance lucide d’un retrait politique et l’exaltation naïve d’un acte dont les motivations et les conséquences méritent une lecture rigoureuse.
Face aux superlatifs employés par le bureau exécutif du NFD, qualifiant Mouctar Diallo de « grand leader et homme d’État », et aux envolées lyriques de Maître Pepe Antoine Lama, qui évoque « un geste rare… quand tant s’accrochent à des fonctions sans cap ni cause », le tout agrémenté de clins d’œil appuyés aux grandes formations politiques y compris la mienne, il devient impératif d’adopter une lecture nuancée, débarrassée de toute complaisance.
L’heure est à la lucidité : celle qui interroge les silences, les calculs, et les opportunités derrière les gestes. Car en politique, le départ est souvent aussi stratégique que l’entrée.
Intégrité ou stratégie face à l’insignifiance électorale du parti NFD ?
Dans sa déclaration, Mouctar Diallo revendique un parcours marqué par l’engagement, le patriotisme et la lutte pour la démocratie. Il insiste sur la sincérité de son combat et la noblesse de ses convictions. Mais de quelle sincérité parle-t-on exactement ? Et quel patriotisme revendique-t-il, lorsqu’on sait que son engagement politique s’est souvent confondu avec une quête de « standing » personnel ?
Mouctar Diallo incarne cette catégorie de responsables politiques dont la noblesse d’âme semble proportionnelle au maroquin convoité. Offrez-leur une alliance, et les voilà soudain saisis d’un sursaut de dignité républicaine ou d’une popularité qu’ils s’empressent de magnifier. Ce réflexe opportuniste, maquillé en vertu politique, interroge.
Le parti Les Nouvelles Forces Démocratiques (NFD), malgré ses ambitions affichées, n’a jamais véritablement pesé dans le paysage électoral guinéen. Sa tentative avortée d’« OPA » sur l’UFDG, visant à faire de lui le candidat unique de l’opposition dans la commune de Ratoma, un bastion hautement symbolique de l’UFDG, reste gravée dans les mémoires. En feignant d’ignorer la portée politique de ce territoire dans la conquête du pouvoir par le principal parti d’opposition, Mouctar Diallo a déclenché une série de tensions et de réactions virulentes entre militants des deux camps. Les communicants du NFD et Mouctar Diallo lui-même, avec son célèbre « l’UFDG, c’est mon deuxième parti » ont alors cherché à transformer cette offensive brute en une prétendue stratégie de diversification des candidatures opposantes dans cette partie de Conakry qu’il convoitait.

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Cette manœuvre, loin d’être une stratégie concertée, a révélé les limites d’un calcul politique fondé sur l’ambition personnelle plutôt que sur une vision collective. Elle a également mis en lumière une tentative de reconfiguration opportuniste du leadership opposant, sans ancrage réel ni légitimité électorale.
À l’indignation légitime des militants de l’UFDG face à la manœuvre politique orchestrée par le NFD de Mouctar Diallo, nos adversaires ont répondu par des critiques à peine voilées, parfois même par des invectives d’un autre registre, plus sournois que politique. Autre alliance, même recette : celle d’un opportunisme savamment déguisé en renoncement noble. Mouctar Diallo, à l’image de ces champions de l’abnégation sélective, ne refuse pas le pouvoir, il le reconfigure à sa mesure. Il ne cherche pas à servir, mais à rayonner.
Le ministère de la Jeunesse et de l’Emploi ? Trop discret, trop peu juteux, trop éloigné des projecteurs. Il s’en détourne, invoquant des principes, une cohérence, voire un « sacrifice personnel » dans le sillage de la campagne pour le troisième mandat d’Alpha Condé, menée au prix d’un changement constitutionnel contesté et d’une répression brutale. Le ministère du Commerce ? Pas assez de commerce, pas assez de lustre. Ce qu’il convoitait, c’était l’Administration du Territoire, la Défense, ou mieux encore, les Finances : là où les caméras tournent, où les décisions pèsent, et où l’égo peut s’épanouir sans entrave.
Mais derrière les discours enflammés, les postures patriotiques et les envolées lyriques, une question demeure : ce départ est-il un acte d’intégrité ou une sortie stratégique face à une insignifiance électorale devenue trop criante pour être ignorée ? Sans oublier cette dernière blessure politique, que lui et ses proches attribuent au précédent pouvoir, une mise à l’écart qu’ils peinent encore à digérer.
Une vertu construite dans le vide de l’opportunité
Dans un climat où le pouvoir étrangle méthodiquement l’opposition, où la société civile se réduit à un murmure convenu, et où toute voix dissidente est promptement étouffée, la décision de Mouctar Diallo prend une tournure délicieusement paradoxale. Est-ce un geste chevaleresque envers le peuple ou simplement l’élégante pirouette d’un homme politique face à une impasse devenue trop flagrante ? Cette posture illustre avec acuité que « le refus de s’éterniser au pouvoir peut n’être qu’une absence d’opportunité habilement travestie en vertu. » Le départ de Mouctar Diallo apparaît ainsi, dans ce contexte saturé d’ambiguïtés, comme une anticipation lucide de son effacement politique inévitable, opportunément rebrandée en acte volontaire. Une tentative de réécriture de l’histoire, où l’impuissance se grime en sagesse, et l’échec se pare des atours de la dignité.
Le cas de Mouctar Diallo cristallise avec finesse cette tension entre intégrité proclamée et réalité politique. Il ne s’agit pas de nier son engagement passé, mais de reconnaître que dans le théâtre du pouvoir, la vertu est souvent un rôle que l’on endosse faute de mieux. Son alliance avec Alpha Condé, sa participation active à un régime où l’opposition était systématiquement réprimée, en est une illustration limpide.
Le retrait de Mouctar Diallo de la vie politique ressemble moins à une rupture qu’à une transition. Entre sincérité proclamée et calcul discret, il incarne cette zone grise où la vertu politique se confond avec la gestion d’un recul inévitable. Dans ce théâtre mouvant, partir peut-être une manière de rester autrement.
Taliby Diané
Adjoint à la communication UFDG France.