Il ne faut jamais surestimer un accident de l’histoire. Pour comprendre le personnage aujourd’hui juché sur le trône de Conakry, il faut lui retirer le costume de général mal taillé, ôter les galons de pacotille, et plonger dans les méandres de son âme nue, dépouillée des ornements du pouvoir. Car c’est là, dans les tréfonds de sa conscience brute et de son parcours cabossé, que réside la vérité.
Mamadi Doumbouya n’est pas un produit de l’excellence, mais une créature du hasard social. Il n’a pas été sculpté par l’intelligence, mais façonné par la survie. L’école du savoir-faire lui fut étrangère ; c’est celle de la débrouillardise et du désordre qui l’a diplômé. Sa bibliothèque ? La rue. Ses professeurs ? Les réseaux de trafics. Son université ? Les fumoirs, les arrières-cours de l’ombre, les cercles de la violence ordinaire.
À force de braver les tempêtes dans le cloaque social, sa brutalité est devenue son CV. Son instinct de domination, son seul diplôme. Et c’est justement ce curriculum de la violence qui l’a rendu éligible à certains cénacles étrangers où l’on ne recherche pas des têtes bien faites, mais des poings bien fermés. Dans certaines Légions d’honneur, la finesse intellectuelle est une tare ; on y préfère la force sans conscience. Il y fut recruté pour ce qu’il est : un homme dressé, pas formé.

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Alors, faut-il s’étonner qu’à la tête de la République, il ne s’entoure que de médiocres ? Non. C’est la loi de l’attraction : la médiocrité appelle la médiocrité, comme la moisissure attire la pourriture. C’est une relation naturelle, presque biologique. Il ne gouverne pas, il régresse. Il ne dirige pas, il contamine.
La Guinée vit une époque où la vulgarité s’habille en tenue militaire, où l’incompétence parade en cortège officiel. Ce n’est pas seulement un putsch qui a eu lieu, c’est une prise d’otage de la raison par l’ignorance, de la République par la plèbe armée.
Doumbouya n’est pas une exception. Il est le symptôme. Il est l’enfant illégitime d’un pays qui n’a pas su sanctuariser le mérite. Et maintenant, la République paie le prix fort : l’humiliation d’être dirigée par l’antithèse de ce qu’elle aurait pu être.
Siba Béavogui