Il y a des silences plus douloureux que les balles. Depuis le 5 septembre 2021, notre pays vit sous la poigne de fer du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), une junte militaire qui a promis la refondation mais ne livre que répression, terreur et deuil.
Quarante-sept morts. Officiellement. Des dizaines d’autres non répertoriés. La plupart jeunes, très jeunes. Beaucoup à peine majeurs. Tués dans les rues de Conakry et d’ailleurs, pour avoir réclamé ce qui n’aurait jamais dû leur être refusé : la liberté. Les Forces Vives de Guinée, étouffées, recensent une longue liste de martyrs. Le sang des innocents abreuve désormais les fondations d’un régime qui n’a de transition que le nom.
Mais l’horreur ne s’arrête pas là.
Plus de 150 Guinéens ont été tués au stade de N’Zérékoré, lors d’une activité de propagande du régime. Un carnage à huis clos, un bain de sang dont l’écho peine à franchir les murs du silence médiatique et diplomatique. Des dizaines d’autres portés disparus, blessés, traumatisés à vie. Et toujours, le même refrain officiel : “incident isolé”, “enquête en cours”. Mensonges. Dissimulations. Mépris de la vie humaine.
Les arrestations arbitraires et les disparitions forcées sont devenues monnaie courante. Les voix libres sont traquées, bâillonnées, effacées. Abdoul Sacko, militant pacifique, enlevé, torturé, jeté comme un déchet. Les activistes Foniké Mengué et Mamadou Billo Bah, disparus depuis des mois, avalés par les geôles invisibles du régime. Plus récemment, le journaliste Habib Marouane Camara et l’opérateur économique Sadou Nimaga ont eux aussi disparu sans laisser de trace. Et le silence des autorités est plus que suspect : il est criminel.

- Advertisement -
À cela s’ajoute une autre forme de terreur, plus insidieuse, mais tout aussi funeste : la mort en détention. Le Général Sadiba Koulibaly, ancien chef d’état-major général des armées, est mort dans des circonstances troubles, après avoir été écarté par le pouvoir. Le Colonel Célestin Bilivogui, ancien responsable des douanes, a connu un sort tout aussi suspect. Ces morts en détention, sans transparence ni enquête digne de ce nom, rappellent les heures les plus sombres de notre histoire.
Et que fait la communauté internationale ? Rien, ou si peu. Elle observe, elle “exprime sa préoccupation”, mais ne bouge pas. La France, éternelle tutrice néocoloniale, reste muette, complice par calcul, soucieuse de préserver ses intérêts géostratégiques. Les États-Unis, si prompts à condamner ailleurs, se murent ici dans une prudente indifférence. Ce double standard est une insulte aux valeurs qu’ils prétendent défendre.
Nous disons : assez. Assez de sang, assez de peur, assez de compromis. Le peuple de Guinée n’est pas un pion. Il est digne, lucide et prêt. Prêt à résister, à se lever, à dire non à la dictature, qu’elle soit militaire ou diplomatique. À nos frères de la diaspora : levez-vous, prenez la plume, la parole, les tribunes. À la jeunesse : organisez-vous, mobilisez-vous, refusez l’oubli. À la presse internationale : brisez le mur du silence.
L’histoire jugera. Elle jugera ceux qui ont tué. Elle jugera ceux qui ont regardé ailleurs. Et elle se souviendra de ceux qui ont parlé, dénoncé, lutté.
La Guinée se relèvera. Mais le monde doit savoir ce que nous traversons. Car aujourd’hui, c’est la Guinée. Demain, ce sera peut-être ailleurs.
Alpha Issagha Diallo