Introduction : Une annonce en décalage total avec la réalité
Le 23 avril 2025 à Washington, la délégation gouvernementale guinéenne, conduite par les ministres Mouranah Soumah (Économie et Finances), Ismael Nabé (Plan), Facinet Sylla (Budget) et Karamo Kaba (BCRG), a dévoilé avec faste une prétendue “vision Simandou 2040” censée mobiliser entre 200 et 300 milliards de dollars d’investissements.
Présentée comme une transformation structurelle de l’économie guinéenne, cette annonce a été accueillie avec scepticisme, voire moquerie, dans plusieurs cercles financiers américains.
Car derrière les slogans pompeux, la réalité économique est brutale :
300 milliards de dollars sur Simandou ?
C’est un mirage. Une pure opération de communication qui révèle l’amateurisme d’un régime en quête désespérée de crédibilité.
1. Simandou : quelle est sa véritable valeur économique actuelle ?
Les études financières les plus sérieuses sur Simandou indiquent que :
• La valeur du projet Simandou (Nord et Sud) est estimée, au mieux, entre 15 et 25 milliards de dollars (source : Vale S.A, Rio Tinto, étude Goldman Sachs, 2023).
• Le coût du développement des infrastructures minières et ferroviaires est chiffré entre 10 et 15 milliards de dollars selon les projections techniques de Winning Consortium Simandou et Rio Tinto.
Facteur aggravant :
Le prix du minerai de fer a chuté de 180 $/tonne (en 2021) à moins de 110 $/tonne en 2025 (source : Platts / S&P Global Market Intelligence).
Donc, même si Simandou était pleinement opérationnel, sa valorisation globale n’atteindrait même pas 50 milliards de dollars, infrastructures comprises.
2. Pourquoi l’annonce de 300 milliards est-elle une mascarade ?
2.1. Une méconnaissance crasse des marchés internationaux
• La Guinée n’a ni la capacité d’absorption de 300 milliards d’investissements,
• Ni les infrastructures nécessaires pour gérer un flux de financement équivalent à trois fois son PIB projeté à horizon 2040,
• Ni un historique crédible de gouvernance transparente pour attirer de tels volumes d’investissement.
Rappel : le PIB de la Guinée en 2024 est de 20,1 milliards de dollars (source : Banque mondiale).
300 milliards, c’est 15 fois le PIB actuel !
Comment un pays de 20 milliards de PIB peut-il rêver mobiliser 300 milliards ?
2.2. Les cabinets prestigieux n’effacent pas l’irréalisme
Oui, Rothschild & Co, KPMG et Southbridge sont cités comme partenaires.
Mais ces cabinets n’engagent pas leur argent, ils vendent des prestations de conseil.
Réalité :
• Rothschild établira une notation crédit de la Guinée, non un chèque.

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• KPMG accompagnera l’écriture d’un plan, pas son financement.
• Southbridge structurera un fonds souverain hypothétique, mais sans promesse de dotation réelle.
Donc le gouvernement a acheté une vitrine de luxe pour vendre du vent.
2.3. Experts américains : “un projet d’amateurs”
Plusieurs experts financiers américains, interrogés par nos soins, sont unanimes :
“Un chiffre aussi farfelu ruine la crédibilité du projet avant même son lancement.”
“300 milliards ? Mais sur quels flux futurs ? Basé sur quelles projections sérieuses de revenus miniers et industriels ?”
“Cette annonce révèle surtout une tentative désespérée d’impressionner les bailleurs par la démesure.”
3. Le risque immédiat : un discrédit international renforcé
Perte de crédibilité sur les marchés financiers
• Les agences de notation (Moody’s, Fitch) risquent d’interpréter cette annonce comme un manque de rigueur budgétaire.
• La notation de crédit de la Guinée, déjà fragile (B3 / CCC+), pourrait se détériorer.
Isolement diplomatique
• Washington n’a pas exprimé de soutien officiel.
• Le FMI et la Banque mondiale, déjà prudents, pourraient durcir leurs exigences avant tout soutien financier futur.
4. Conclusion : Une arnaque d’État maquillée en “vision d’avenir”
Ce que l’on a vu à Washington n’est pas une stratégie économique.
C’est un spectacle de prestidigitation destiné à masquer :
• La faiblesse économique réelle de la Guinée,
• L’illégitimité structurelle d’un pouvoir putschiste,
• La panique d’un régime isolé en quête de reconnaissance internationale.
300 milliards ?
Non.
Une bulle de savon gonflée par des amateurs qui n’ont pas les pieds sur terre.
Et pendant que les ministres paradent dans les salons dorés de Washington, la Guinée sombre dans l’inflation, l’insécurité économique, et la désillusion populaire.
Enquête spéciale Siba Beavogui