Refus de démissionner des conseillers du CNT (Guinée) : un symbole de la peur du chômage ( Par Minkael BARRY)
Le Conseil National de la Transition (CNT) en Guinée traverse actuellement une période marquée par des tensions internes, notamment à la suite de la démission du représentant des avocats, Me Mohamed Traoré. Alors que la société guinéenne observe de près la gestion de cette transition et les ajustements politiques qui en découlent, un phénomène particulier se distingue parmi les conseillers du CNT : le refus de démissionner, malgré les appels à l’intégrité et à la remise en question.
Si certains considèrent la démission de Me Mohamed Béreté comme un geste de dignité et de responsabilité face à un système qu’il juge compromettant, la plupart des conseillers restants semblent animés par une volonté de maintenir leur place. Ce refus de démissionner ne serait-il qu’une simple question de fidélité à la junte au pouvoir, ou une expression de la peur du chômage et de la précarité ? Peut-être un peu des deux.

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Le refus de démissionner des conseillers du CNT s’inscrit dans un contexte politique et économique où les avantages associés à la position d’un membre du CNT sont clairs. Pour beaucoup de ces conseillers, le CNT est bien plus qu’un simple organe consultatif, il est un tremplin vers des avantages matériels et des positions influentes. L’engagement au sein de cette institution représente une sécurité financière et professionnelle non négligeable.
Dès lors, comment les conseillers pourraient-ils envisager de renoncer à cette sécurité, alors que l’incertitude économique est omniprésente, particulièrement dans un pays comme la Guinée où le chômage reste un fléau endémique ?
Pour ces conseillers, démissionner signifierait non seulement renoncer à leurs privilèges actuels, mais aussi s’exposer à une réalité impitoyable : le retour dans un secteur public ou privé où les opportunités sont rares, et où les réseaux d’influence sont souvent inaccessibles pour ceux qui ne sont pas directement au cœur du pouvoir. Dans ce contexte, le refus de quitter leur poste au CNT peut être vu comme une stratégie de survie dans un environnement politique où l’incertitude règne.
Au-delà de la peur du chômage, c’est également l’intérêt personnel qui semble primer sur l’intérêt national pour de nombreux membres du CNT. La Guinée, après plusieurs décennies de gouvernance marquées par des crises politiques et des tensions sociales, vit aujourd’hui un moment décisif. Les promesses de la transition ont placé la question de la gouvernance au cœur des préoccupations des citoyens. Pourtant, certains conseillers semblent plus préoccupés par leur avenir immédiat que par les réformes et les changements à opérer pour le bien de la nation. Leurs démissions, qu’ils jugent souvent comme un geste de défiance à l’égard du pouvoir en place, sont perçues comme un risque qu’ils préfèrent éviter.
Ainsi, il ne s’agit plus seulement de donner à la Guinée un pouvoir légitime et compétent, mais plutôt de maintenir des positions dans un climat politique où l’attachement à l’intégrité personnelle semble souvent secondaire à la préservation de ses intérêts personnels.
La situation actuelle du CNT soulève des interrogations fondamentales sur la nature même du pouvoir dans la Guinée post-2010.
Si la transition politique a été promise comme un moment de transformation, de renouveau et d’unité, la persistance de certaines pratiques politiques montre qu’il reste encore beaucoup à faire pour rompre avec les habitudes passées. Le refus de démissionner des conseillers du CNT, loin d’être un simple acte de résistance, incarne une réalité plus profonde : celle d’un système où les ambitions individuelles, souvent étroitement liées à des avantages matériels, dictent le cours des événements.
Cela met en lumière un défi de taille pour le gouvernement de la transition : comment réconcilier les impératifs de transformation politique avec les intérêts personnels et matériels de ceux qui sont censés porter cette transformation ? Comment convaincre les acteurs de la transition que l’intérêt supérieur de la nation prime sur la crainte d’un avenir professionnel incertain ?
La démission de Me Mohamed Béreté an mis en évidence une question fondamentale : jusqu’où les membres du CNT sont-ils prêts à aller pour respecter leurs engagements envers la Guinée ? L’attachement à une position politique, la peur de l’inconnu et de la précarité peuvent-ils justifier de tels comportements, ou ces derniers trahissent-ils un manque de conviction dans la mission de rétablir la démocratie et la stabilité en Guinée ?
Derrière cette situation, c’est la question de la responsabilité qui se pose : jusqu’à quel point la transition politique actuelle est-elle gouvernée par des acteurs pleinement investis dans le changement, ou bien par des opportunistes cherchant simplement à préserver leur statut ?
Au final, la Guinée doit-elle faire face à ses propres démons, à savoir l’enchevêtrement entre pouvoir et intérêts personnels, ou saura-t-elle réellement amorcer un changement radical ?
Le refus de démissionner des conseillers du CNT en Guinée n’est pas qu’un simple enjeu politique. Il est le reflet d’une société et d’un système qui ont encore beaucoup à faire pour se libérer des chaînes du passé. Les conseillers qui s’accrochent à leurs postes, malgré la démission symbolique de Me Mohamed Béreté, devraient se poser la question de leur rôle dans la transformation de leur pays.
L’intérêt personnel et la peur du chômage ne doivent pas être des moteurs de l’action publique. Au contraire, la Guinée a besoin de personnes courageuses, prêtes à se sacrifier pour le bien collectif, et non pour préserver des avantages personnels.
Il est grand temps que la Guinée dépasse ces clivages et fasse place à une gouvernance véritablement orientée vers l’avenir, celle qui met l’intérêt national au-dessus des préoccupations individuelles.
Minkael BARRY