Enlèvement de Foniké Mengué et Billo Bah : « Nous n’écartons aucune hypothèse…mais nous irons jusqu’au bout », prévient Me Brengarth
Dix jours après l’enlèvement suivi de la disparition de Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, l’inquiétude grandit.
Alors que le Parquet Général de la Cour d’Appel de Conakry dénie toute responsabilité et annonce l’ouverture d’une enquête, les avocats internationaux du FNDC dissous ont révélé avoir saisi le Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) et le Groupe de travail sur la détention arbitraire. Pourquoi cette démarche ? Jusqu’où comptent-ils aller ? Africaguinee.com a pu interroger maître Vincent Brengarth, un des avocats initiateurs de cette saisine.
AFRICAGUINEE.COM : Deux grandes figures du FDNC (Oumar SYLLA et Mamadou Billo BAH) ont été victimes d’« enlèvement » dans la nuit 09 juillet dans la banlieue de Conakry. Depuis, ils sont portés disparus. Comment vivez-vous cette situation ?
MAÎTRE VINCENT BRENGARTH : Je suis extrêmement préoccupé par cette situation au vu de l’extrême brutalité décrite par les témoins des conditions de leur interpellation et de ce que nous savons des graves violations des droits fondamentaux en Guinée. Cette préoccupation est aussi bien professionnelle que personnelle, compte tenu des liens d’amitiés qui nous unissent avec le FNDC et ses membres dont nous accompagnons les combats depuis de nombreuses années.
Le procureur Général a dénié toute responsabilité dans cette affaire et annoncé l’ouverture d’une enquête pour enlèvement. Que vous inspire cette sortie ?
Bien sûr, si les autorités n’ont aucun lien avec cette arrestation, ce communiqué s’imposait. Maintenant, les éléments à notre disposition suggèrent très clairement leur intervention. Ces déclarations peuvent donc, dans ce cas de figure, être perçues comme une tentative de se défausser. Elles ne font qu’accroitre les inquiétudes extrêmes des proches et de tous ceux qui attendent d’obtenir de leurs nouvelles.
Le communiqué du Parquet Général a exacerbé les craintes d’un scenario du pire (on ne le souhaite pas) chez les proches des deux activistes. Partagez-vous ces inquiétudes ?
A partir du moment où nous n’avons aucune nouvelle de ces militants, nous ne pouvons écarter aucune hypothèse. Leur décès en fait partie. Les conditions de leur interpellation, par la force, et le fait que les autorités judiciaires se défendent d’être en lien avec l’arrestation, ne peut que nourrir cette hypothèse. Le plus urgent est aujourd’hui d’obtenir des investigations pour déterminer l’endroit où ils se trouvent et pour retracer le déroulé des faits. S’ils sont encore en vie, il est indispensable que leur mise en liberté intervienne. Si les autorités sont effectivement en lien avec ces arrestations, ce que tous les éléments en notre possession suggèrent, elles doivent absolument rendre des comptes.
Vous avez annoncé ce jeudi 18 juillet 2024 avoir saisi en urgence le Groupe de travail sur la détention arbitraire et le procureur de la Cour pénale internationale. Pourquoi et quelles sont vos attentes concrètement ?
Nous avons réfléchi à tous les recours les plus pertinents. Notre cabinet s’est pleinement mobilisé en peu de temps pour finaliser les recours au vu de l’urgence. Ils sont argumentés juridiquement et d’actuellement. La saisine de ce groupe en fait partie car il a la capacité de se mobiliser dans un délai extrêmement court et de demander des explications au pouvoir guinéen. Il est clair que ce cas de figure relève directement de la compétence des juridictions internationales au vu de la gravité des faits et au vu de l’impossibilité d’obtenir un véritable recours devant les juridictions nationales.
Nous avions déjà saisi le procureur de la CPI. Nous avons fait le choix de signaler ces nouveaux faits pour que toutes les conséquences en soient tirées. Il est désormais de sa responsabilité d’agir.
Mais généralement les procédures à la CPI sont lentes et compliquées…maître
Les procédures devant la CPI sont lentes mais elles peuvent aboutir. De plus, les mandats d’arrêt qui peuvent être émis sont contraignants pour ceux qui en font l’objet.
Vous avez dit également avoir écrit au Président de la République française Emmanuel MACRON pour lui demander d’intervenir auprès du Général Mamadi DOUMBOUYA alors que l’influence de la France s’érode en Afrique de l’Ouest. Ce dernier tient des discours très souverainistes ces derniers temps. Partant de ce constat, les marges de manœuvre de M. Macron ne sont-elles pas limitées ?
Il est aussi du rôle du président Macron, au vu des liens historiques de la France avec la Guinée, de demander des éléments de réponse à son homologue. Il est un fait que l’influence de la France s’érode en Afrique de l’Ouest et il ne n’agit pas de voir une requête du Président comme une forme de néo-colonialisme mais il en va de la qualité des relations diplomatiques entre pays. La communauté internationale n’est pas simplement une abstraction.
Avez-vous un appel à lancer aux autorités de la transition, notamment au Premier ministre qui est un ancien militant des droits de l’homme ?
Nous y réfléchissions. D’autres initiatives sont en cours de préparation. Notre cabinet est particulièrement touché par la situation de ces activistes et nous irons jusqu’au bout.
A suivre !
Entretien réalisé par Africaguinee.com