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Elhadj Mamadou Sylla parle : « Ce que je demande au Général Doumbouya… »

L’inquiétude grandit chez la famille et proches de Oumar Sylla alias Foniké Mengué victime d’enlèvement et de détention depuis le 9 juillet 2024.

De l’inquiétude, les proches du coordinateur national du FNDC (Front National pour la Défense de la Constitution) dissous commencent à perdre espoir de revoir leur fils. La communication du procureur général près la Cour d’Appel de Conakry disant qu’aucun établissement pénitencier de son ressort n’a le dossier de l’activiste et son compagnon, Mamadou Billo Bah et autres, a exacerbé la crainte chez les parents et proches de Oumar Sylla. Pour en parler, nous avons interrogé Elhadj Mamadou Sylla, acteur politique, grand frère et doyen de la famille de l’activiste Fonikè Menguè.

AFRICAGUINEE.COM : Dix jours après l’arrestation de votre frère Oumar Sylla alias Foniké Menguè avec son compagnon Billo Bah, vous n’avez aucune nouvelle de lui. Comment vivez-vous cette situation ?

ELHADJ MAMADOU SYLLA : Quand ils ont arrêté notre frère Oumar Sylla, la famille a dit d’attendre pour essayer de comprendre. D’abord il y a eu pas mal de soutiens tant au niveau local qu’à l’international. Il y a beaucoup de soutiens. Et quand c’est comme ça, nous-mêmes la famille concernée, il fallait écouter d’abord tous ces gens qui lui apportent soutien avant de prendre la parole.

Mais ce qui nous a vraiment sidérés, ce que je ne sais pas dans quel état il se trouve aujourd’hui parce qu’on a tous écouté la sortie du procureur général près la Cour d’Appel de Conakry, (Fallou Doumbouya). Et là, on n’a plus d’espoir. On ne sait pas où donner la tête. L’autre problème, c’est qu’il n’y a personne pour t’informer, ils sont tous silencieux. Avec ce régime de transition, tout le monde s’est enfermé dans son bureau y compris le Président. Et quand c’est comme ça, vers qui se tourner pour demander et avoir des informations réelles ?

C’est cela le véritable problème aujourd’hui en Guinée. Quelque chose t’arrive, au lieu d’expliquer, on dit que c’est Dieu, mais Dieu lui-même qui nous a créés, il nous a aussi demandé d’éviter beaucoup de choses. Dieu a respecté l’homme et pourtant c’est lui qui l’a créé. Et si nous-mêmes nous ne nous respectons pas, c’est qu’on va avoir à faire avec Dieu. Ce que je peux vous dire, la famille est vraiment inquiète, on ne sait pas où donner la tête.

Mais est-ce qu’à travers vos contacts, vous avez eu de ses nouvelles ?

Je vous renvoie la question parce que vous et moi observons tous cette situation. Je répète encore on ne sait vers qui aller parce qu’ils sont renfermés, depuis trois ans maintenant nous vivons dans ça. Il n’y a pas de classe politique, ni de société civile, rien, seulement on veut faire taire tous ceux qui veulent bouger ou parler. Et, dans la vie-là, il faut savoir que c’est Dieu qui a créé tout le monde. Mais, il y a des gens que Dieu a créés qui ne l’adorent pas. Pourtant c’est lui qui les a créés. Est-ce qu’à cause de cela Dieu tue ces gens ? Non. Il te laisse avec ce qu’il t’a prescrit, et tant que tu vis tu vas l’avoir. Il va te donner longue vie, santé, argent, tout ce que tu veux.  C’est quand tu vas le trouver dans son royaume éternel, c’est là-bas que vous allez régler ça. Parce que le jour où il va arracher ton âme, c’est ce jour que tu vas le regretter.

Le prophète Mohamed PSL qu’il nous a envoyé et a recommandé de suivre, mais est-ce que c’est tout le monde qui est avec le prophète ? Non. Il y a beaucoup de prophètes qui se sont succédé, mais il y a des gens qui ont décidé de ne suivre aucun, en restant animiste. Malgré cela ces gens vivent quand-même. Mais quand toi (être vivant) tu dis que quiconque veut te contredire ou exprimer ses opinions, manifester sa pensée, tu ne l’accepte pas, c’est qu’on n’est plus en démocratie, ni dans un pays de Droit de l’Homme. Ce n’est plus un pays ou l’Etat protège son peuple en lui garantissant sa sécurité ainsi que celle de ses biens.

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Ils sont devenus des gens qui veulent faire taire tout le monde, tout ceux qui bougent ou tout ceux qui ne disent pas ce qu’ils veulent, donc de les faire taire (…). Aujourd’hui les gens ont eu une peur bleue dans leur ventre et sont frustrés. Et quand c’est comme ça, comment allons-nous faire ? Chacun va rester chez lui et ne rien dire ?

Je conseille au Général Mamadi Doumbouya de revoir les choses parce que quand ça va, c’est son nom qu’on va dire et quand ça ne va pas, étant le premier magistrat du pays, la première autorité, c’est son nom qu’on dira aussi. Quand la situation est comme ça, c’est mieux de revoir la crise. Je pense qu’il est au courant des crises dans lesquelles nous vivons aujourd’hui. C’est le chef de l’Etat, il est le mieux informé j’imagine. Et s’il ne l’est pas c’est grave alors car il a les moyens à sa disposition, les renseignements généraux, tout est dans ses mains, il doit être au courant de ce qui se passe. S’il ne soigne pas le mal, c’est lui que les gens vont pointer du doigt.

Dans ma vie, j’ai eu la chance de côtoyer l’ancien président feu général Lansana Conté, plus de 20 ans auprès de lui, j’ai appris beaucoup de choses avec lui et j’ai vu comment il gérait les choses. Mais c’était quelqu’un qui respectait l’être humain et le peuple de Guinée en particulier. La loi était là pour tout le monde. Mais on ne peut pas venir nuitamment tomber sur quelqu’un alors que le président Doumbouya a lui-même dit (le 5 septembre 2021, jour de la prise du pouvoir par le CNRD ndlr), qu’on ne va plus refaire les erreurs du passé, qu’on ne va plus prendre quelqu’un à tort, (que la justice sera désormais la boussole qui orientera chaque citoyen ndlr). La justice, les (cours et tribunaux) sont là. Mais lorsque le procureur général dit qu’il n’a pas les nouvelles des citoyens qui ont été arrêtés, je ne sais pas ce que cela sous-entend. Et aujourd’hui on n’a aucune nouvelle, aucune piste…

Et les journalistes, vous aimez le rappeler, que quand les mieux indiqués refusent de donner la bonne information, mais cela donne du poids aux rumeurs, les informations peuvent sortir de nulle part. L’information, si elle devait passer par le ministère, elle passerait par l’autoroute. C’est pourquoi il est important de communiquer au moment opportun plutôt que de laisser planer le doute car c’est là que les rumeurs vont devenir fortes et persistantes. L’Etat doit informer et respecter sa population. C’est l’un des rôles régaliens du président.

Parlant des rumeurs, on a entendu et lu beaucoup de spéculations assez alarmistes ces derniers jours. Comment la famille vit-elle cette situation ?

C’est justement ce que je vous ai expliqué, les gens racontent des choses qu’on ne peut pas contester ou affirmer et, la sortie du procureur général est venue renforcer ces suspicions.  Deux jours après son enlèvement, les nouvelles qui me sont parvenues étaient très mauvaises. Mais comme je suis un homme croyant et fort de caractère, je me suis dit d’attendre les informations officielles. Quoi qu’il en soit, la mort, on ne peut pas la cacher. Mais en Guinée les rumeurs sont trop nombreuses mais pour éviter tout cela, il faut communiquer. On a tous entendu des gens raconter ici que (Alia Camara ex chef des opérations des forces spéciales a été tué) mais deux ans après on l’a revu ici vivant.

Mais à la différence, Oumar Sylla et Billo Bah ne sont pas des militaires. On ne peut pas envoyer un civil dans un camp militaire. C’est le militaire qu’on doit peut-être corriger dans un camp mais pas le civil. Nous ne connaissons pas ça. S’il faut envoyer le civil dans un camp, bunker pour lui infliger des tortures et autres, ce n’est pas normal. Un civil ne mérite pas un tel traitement. C’est tout cela qui nous inquiète. On ne sait pas où est-ce qu’il est. Et, on ne sait pas non plus s’il vit ou pas. Mais, qu’on nous dise quand-même ce qui se passe.

Quelle demande avez-vous à formuler à l’endroit des autorités, et au président général Mamadi Doumbouya en particulier ?

Ce que je demande, c’est qu’on nous montre notre frère, on veut le voir. Qu’on dise son délit ou qu’est-ce qu’il a commis. La dernière fois lorsqu’on l’a arrêté, il était gardé à la maison centrale, on lui rendait visite, on lui envoyait à manger. Mais si maintenant on ne le trouve pas, qu’est-ce qu’il faut dire ? C’est quand-même inquiétant ? C’est des gens qu’on a arrêtés à cause de leur opinion, ce n’est pas comme s’ils avaient tué des gens. Qu’on les envoie à la justice pour qu’ils soient jugés et peut-être condamnés. Au moins ils pourront rester en prison jusqu’au jour où Dieu va décider de les libérer, ça pourrait quand-même nous rassurer qu’ils sont en vie. Mais comme cela, que quelqu’un dise qu’il est mort, on ne peut pas dire le contraire, parce qu’on ne sait pas là où il est.

Entretien réalisé par Africaguinee.com

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