Le Président Sénégalais Bassirou Diomaye Faye a entamé une visite de deux jours ce vendredi 24 mai 2024 à Conakry.
Un déplacement qui ouvre une nouvelle ère prometteuse dans les relations diplomatiques et de coopération bilatérale entre la Guinée et le Sénégal, deux pays limitrophes liés à la fois par l’histoire, l’économie et même la géographie. Explications.
L’arrivée de « duo gagnant » Bassirou Diomaye Diakhar Faye-Ousmane Sonko à la tête du pays de la Téranga (hospitalité) rebat les cartes et offre de nouvelles perspectives de partenariat plus dynamiques, plus renforcées et plus ouvertes entre Conakry et Dakar. Les jeunes dirigeants de l’Etat sénégalais avaient annoncé les couleurs. A l’occasion de son investiture le 02 avril dernier, le successeur de Macky Sall avait envoyé un message clair quant à la nature des rapports qu’il entend entretenir avec ses pairs africains en général et particulièrement avec ses voisins immédiats que sont les États de la CEDEAO (Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest). Pour faire face aux nombreux défis auxquels le continent est confronté, trois concepts ont été les maitres-mots de Bassirou Diomaye Faye. Solidarité, souveraineté, panafricanisme. Une idéologie qu’il partage avec le Général Mamadi Doumbouya, unique dirigeant ouest-africain issu d’un coup d’Etat ayant pris part à son investiture.
Cette position clairement exprimée en dit long sur la dynamique qu’il compte impulser pour la réalisation de l’unité africaine. Cette posture panafricaniste affichée par le nouveau dirigeant sénégalais va de pair avec celle défendue depuis la tribune des Nations-Unies par son homologue guinéen. Lequel, très tôt avait dit avoir « hâte » de collaborer avec le nouvel homme fort de Dakar, dans un esprit panafricain et dans l’intérêt des peuples sénégalais et guinéen.
Force est de constater que les relations entre les deux voisins ont été moins sereines pour ne pas dire tendues ces sept dernières années. La délicatesse des rapports entre eux remonte depuis le temps d’Alpha Condé. Lorsque la Guinée a été frappée par la grave épidémie d’Ebola qui avait fait des milliers de morts, le régime de Macky Sall avait verrouillé les frontières du Sénégal, suscitant à l’époque la colère d’Alpha Condé. Ce, alors même que d’autres pays comme le Mali, le Maroc faisaient montre d’une plus grande solidarité vis-à-vis de Conakry. La suite on la connait. Cette décision de Dakar a laissé des traces. Au point que même réélu dans des conditions troubles pour un troisième mandat, Alpha Condé avait frontalement attaqué Macky Sall l’accusant d’accueillir des opposants qui complotent contre la Guinée. « Tous les complots contre la Guinée se préparent à Dakar », disait-il à Fria cinq mois avant sa chute.
D’ailleurs, il (Alpha Condé, ndlr) avait fini par fermer les frontières guinéennes qui n’ont été rouvertes que lorsque le CNRD est arrivé au Pouvoir en septembre 2021. Mais même avec ce changement de régime, les relations ne sont pas normalisées à 100%. Dans le sillage de la répression des manifestations organisées par le leader du PASTEF Ousmane Sonko, le pouvoir de Macky Sall avait pris des mesures jugées radicales visant les guinéens qui occupent 43% des ressortissants étrangers établis au Sénégal. Accusés à tort ou à raison d’avoir soutenu la contestation, certains ont été expulsés, d’autres refoulés, suscitant l’ire de Conakry.
« Il est désolant de constater que malgré la vision panafricaniste du président Mamadi Doumbouya qui s’est exprimé dès le 5 septembre 2021 par la réouverture des frontières guinéennes closes depuis de longs mois, d’autres pays s’évertuent à brimer et à maltraiter des ressortissants de la CEDEAO en les prenant comme des bouc-émissaires dans des crises internes.
La république de Guinée exige que les autorités de ces pays arrêtent ces maltraitances à but populistes envers des communautés dites étrangères et d’engager très rapidement un dialogue fraternel pour la recherche des solutions appropriées avec les voisins comme il sied dans ces genres des situations », avait martelé en juin 2023, l’ancien Premier Dr Bernard Goumou alors que des dizaines de guinéens étaient expulsés du Sénégal, secoué par des violences ayant fait une dizaine de morts.
Cette crise est venue se greffer à d’autres frustrations, occasionnées par la position jugée « condescendante » de Macky Sall et ses pairs de la Cedeao vis-à-vis des juntes au pouvoir en Afrique de l’Ouest.
Toutes ces tensions sont désormais derrière. Une nouvelle page s’ouvre, une nouvelle ère empreinte d’espoir s’annonce pour ces deux pays qui ont presque tout en partage. Les dirigeants actuels de la Guinée et du Sénégal sont sur cette lancée. Comme en témoigne la main tendue du Général Mamadi Doumbouya et de son premier ministre Bah Oury aux autorités sénégalaises.
« Nous sommes persuadés que nous pourrons travailler la main dans la main pour renforcer et consolider les bonnes relations de voisinage qui existent entre la Guinée et le Sénégal. De même nous saurons faire prospérer des dynamiques convergentes pour revigorer la CEDEAO pour que celle-ci soit un instrument de paix, de stabilité, de progrès économique et de sécurité pour l’ensemble des peuples ouest-africains », a écrit récemment le chef du Gouvernement de Transition dans un message qu’il a adressé à Ousmane Sonko, Premier ministre du Sénégal.
La venue de Bassirou Diomaye Faye est la suite logique d’un processus de décrispation en cours depuis quelques mois. Le rapprochement des dirigeants guinéen et sénégalais va considérablement contribuer à insuffler une nouvelle dynamique de coopération pour les deux pays, au grand bonheur des populations.
Sujet délicat
En plus de la redynamisation des relations de coopération entre les deux pays, un autre sujet délicat devrait être au cœur du tête-à-tête Dombouya-Diomaye. Les rapports avec la Cedeao et l’accord sur le retour à l’ordre constitutionnel. Lors du récent voyage du dirigeant Sénégalais à Abuja, le président en exercice de l’organisation régionale Bola Tinubu avait invité son hôte et jeune homologue, la tâche de ramener les dirigeants militaires à de meilleurs sentiments. Une gageure certes, mais pas insurmontable.
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