Quand la caution présidentielle devient une opération de manipulation politique, c’est le karma de la jurisprudence qui présentera la facture.
Le mirage des 900 millions venus de N’Zérékoré laisse pantois : « Les femmes de la Forêt auraient mobilisé 900 millions de francs guinéens pour financer la caution présidentielle ».
Une affirmation vertigineuse dans une région où le revenu moyen par ménage dépasse à peine les 700 000 GNF par mois, et où la plupart des femmes tirent leur survie du petit commerce, de l’agriculture vivrière ou d’un artisanat de subsistance.
C’est clair, derrière le slogan triomphaliste, les chiffres révèlent une incohérence économique.
Car selon la loi électorale, la caution présidentielle doit provenir de ressources propres, licites et traçables. Et là, les calculs parlent d’eux-mêmes :
Pour atteindre les 900 millions GNF exigés par la Direction Générale des Élections (DGE), il faudrait que 2 000 femmes versent chacune 450 000 GNF.
Un montant vertigineux pour des citoyennes vivant d’une économie de survie :
• Vente de manioc, d’arachides ou de riz : entre 20 000 et 50 000 GNF par jour ;
• Rares commerçantes disposant de plus d’1 million GNF de fonds de roulement ;
• Accès au crédit formel inférieur à 10 % dans la Guinée forestière.
Comment alors imaginer que ces femmes puissent, en quelques semaines, sortir près d’un demi-million chacune ?
La réponse se cache dans la manipulation.
Avec une telle annonce, la loi et la transparence sont piétinées. Le Code électoral est pourtant sans équivoque : toute candidature doit s’accompagner d’une caution dont l’origine des fonds est justifiable, traçable et exempte de toute infraction.
Ainsi, tout collectif prétendant avoir déposé 900 millions GNF au Trésor public doit obligatoirement présenter :
• une liste nominative des contributrices ;
• des reçus officiels ou relevés bancaires numérotés ;
• un audit financier indépendant ;
• et des justificatifs de revenus authentifiés.
Or, aucun document public n’a été communiqué à ce jour. Ni registre, ni reçu, ni compte collectif.
Tout indique que le discours sur la “mobilisation féminine” sert de couverture à une opération opaque, où des fonds extérieurs publics ou privés – auraient été blanchis sous l’étiquette flatteuse du « soutien des femmes ».

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Derrière cette mise en scène se cache une manœuvre plus perverse : faire porter la caution du parjure par les femmes de la Forêt, région symbole de Dadis Camara. Une stratégie calculée pour narguer l’opinion locale et tenter de réécrire les loyautés ethno-politiques de la Guinée forestière.
L’objectif : faire croire que la région de Dadis soutient désormais le putschiste, effaçant les fractures du 28 septembre 2009 et des années de méfiance entre la Forêt et Conakry. Mais le piège est grossier. Les femmes de N’Zérékoré sont instrumentalisées dans un jeu politique qui dépasse leurs moyens et trahit leur dignité.
Trois hypothèses financières, aussi fragiles qu’irréalistes, hantent ce mensonge d’État, révélant des scénarios de manipulation aux contours étroitement limités :
1. La fable populaire : 2 000 femmes auraient versé chacune 450 000 GNF hypothèse irréaliste sans appui extérieur.
2. La collecte échelonnée : cotisations mensuelles de 50 000 GNF sur neuf mois cela supposerait une rigueur organisationnelle inexistante.
3. Le parrainage masqué : financement d’un entrepreneur ou d’un réseau proche du pouvoir, maquillé en mobilisation citoyenne hypothèse la plus probable, selon plusieurs économistes locaux.
Face à l’ampleur du doute, la Cour suprême doit déclencher une enquête :
• Qui a ouvert le compte ?
• Qui a signé le reçu du Trésor ?
• Où sont les preuves des contributions ?
• Quel cabinet a audité les fonds ?
Faute de réponses, l’opération « 900 millions » relève davantage du marketing politique que de la citoyenneté économique.
Les femmes de N’Zérékoré méritent mieux que ce rôle de figurantes. Elles portent sur leurs épaules la forêt du travail, du courage et de la dignité, non celle des parjures et des cautions imposées.
Faire passer une manipulation financière pour un élan populaire, c’est insulter la réalité économique et la mémoire morale d’une région meurtrie.
Et quand un régime s’invente des “femmes providentielles” pour blanchir son argent, c’est qu’il a déjà perdu la confiance du pays.
Par Siba Béavogui