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La DGE à la croisée des armes et du droit : le tribunal du casier judiciaire s’ouvre.

L’institution électorale peut-elle légalement métamorphoser un putschiste en candidat civil sans jugement préalable ?

Dans les coulisses étouffées d’une campagne qui ne dit pas encore son nom, tout indique que Mamadi Doumbouya se prépare à franchir officiellement le Rubicon de la candidature. Les relais chauffent les foules à blanc, les mots “continuité” et “stabilité” circulent dans les couloirs, et certains médias se parent déjà d’allégeance. Mais un obstacle majeur demeure, frontal, juridique et non négociable : la Direction Générale des Élections ne peut enregistrer aucun dossier de candidature sans un casier judiciaire vierge. C’est une condition impérative, une exigence écrite, une barrière de légalité impossible à enjambler sans trahir la Constitution.

De ce principe naissent deux scénarios que tout oppose. Le premier suppose une DGE respectueuse du droit : dans ce cas, la candidature de Doumbouya tombe d’elle-même, car aucun parcours de mercenariat, de prise de pouvoir par les armes et de répression sanglante ne peut déboucher sur un casier pénal immaculé. Le second scénario est celui que redoutent les juristes : une DGE travestissant la loi, effaçant artificiellement les stigmates judiciaires d’un passé lourd pour blanchir le profil d’un chef putschiste. Dans ce cas, il ne s’agira plus d’une élection présidentielle, mais d’une opération officielle de falsification d’un passé pénal indélébile. Car face à l’histoire, un casier ne peut pas mentir éternellement.

Le droit guinéen, pourtant, ne laisse aucun doute. Le code pénal est explicite : le mercenariat constitue une infraction majeure, assimilée à une atteinte à la sûreté de l’État. Le coup d’État du 5 septembre 2021 s’inscrit dans la même logique de violation constitutionnelle. En d’autres termes, celui qui renverse la République par la force ne peut, quelques années plus tard, prétendre l’incarner par le suffrage sans avoir rendu compte de ses actes. Un ex-mercenaire ou un putschiste, même repeint en “sauveur national” par la propagande, ne peut accéder à la présidence de la République. Au mieux, après jugement et peine purgée, il peut se voir affecté à des fonctions administratives mineures, mais jamais prétendre au sommet de l’État.

C’est pourquoi l’exigence d’un casier judiciaire vierge fait trembler le récit d’une candidature programmée. À Kankan, de nombreux habitants se souviennent d’un certain Mamadi Doumbouya, cité dans des affaires de braquages, d’agressions d’étudiants et de violences sur des civils. Certaines fiches officieuses auraient existé à l’époque. Ont-elles disparu ? Ont-elles été enterrées ? Ou simplement gelées par la peur ?

Au-delà de la Guinée, son passage en Europe demeure trouble. Différentes sources militaires évoquent des antécédents liés à des violences physiques, des affaires de stupéfiants et des incidents répétés dans des cercles sécuritaires. C’est dans ce flou épais qu’il intègre la Légion étrangère française, structure souvent choisie par ceux qui cherchent une nouvelle identité, un nouveau départ… ou une évasion judiciaire sous uniforme.

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À ce tableau déjà chargé s’ajoutent les épisodes de répression sous Alpha Condé, où son unité apparaît dans plusieurs opérations contestées. Depuis le putsch, la liste des victimes s’est allongée : exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, tortures, prisons politiques. Des ONG ont déjà documenté les noms, les faits et les lieux. Mamady Condé dit “Malick”, Thierno Mamoudou Barry… Ces morts ne s’effacent pas d’un registre par décret. Le silence de la justice ne peut pas réécrire les crimes ni transformer les larmes en “incidents collatéraux”.

Dès lors, comment l’homme qui a pris le pouvoir sous les rafales pourrait-il se présenter comme un candidat au passé vierge, propre à diriger une nation par le vote ? Comment concilier le bruit des armes avec le blanc administratif d’un casier judiciaire censé être sans tache ? Comment justifier que celui qui a forcé la porte de l’État réclame aujourd’hui d’y entrer par les urnes avec le certificat pénal d’un citoyen exemplaire ?

C’est ici que la présidentielle de 2025 risque de basculer. Ce scrutin ne sera peut-être plus un simple vote. Il pourrait devenir un test national : la loi aura-t-elle encore une voix au-dessus du canon ? La République acceptera-t-elle de se renier pour habiller un putschiste en candidat légaliste ? Ou décidera-t-elle de trancher au nom du droit ?

La bataille ne portera donc pas seulement sur une candidature. Elle portera sur la vérité. Le compte à rebours électoral est désormais indissociable d’un compte à rebours judiciaire et moral. Car si la DGE blanchit l’illégal, elle ne validera pas seulement un dossier : elle commettra un faux d’État.

Et cette signature-là ne s’effacera jamais.

Par le chasseur de vérité 

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