Guinée – GAC exproprié pour 1,4 milliard € : Alumine et gallium, les nouveaux trophées du baron de la bauxite, Fadi Wazni
Le véritable butin visé par le baron de la bauxite guinéenne n’est plus la simple poussière rouge de Boké, mais bien l’alumine et le gallium, ces nouveaux métaux-rois de la transition énergétique. Derrière la façade de l’extraction brute, c’est un projet industriel stratégique qui se dessine : une raffinerie d’alumine à Boké, déjà validée en mars 2024 par le gouvernement du putschiste Mamadi Doumbouya.
Une étude financière est bouclée : 1,4 milliard d’euros, dont 40 % sur fonds propres, pour une mise en service annoncée en 2028. L’objectif est clair : produire de l’alumine et du gallium, métal critique pour les semi-conducteurs. Mais dans cette fourberie économique aux allures de coup d’État minier, la Guinée se retrouve dépossédée de GAC pour mieux offrir sur un plateau les clés de l’aluminium du futur à un seul homme et à son consortium.
Fadi Wazni, homme d’affaires franco-guinéen d’origine libanaise, s’impose aujourd’hui comme la figure incontournable du secteur minier guinéen. Patron de la Société Minière de Boké (SMB), directeur général d’United Mining Supply (UMS), consul honoraire des Pays-Bas et philanthrope affiché via sa fondation, il incarne à lui seul le nouveau visage d’un pouvoir économique sans partage.
De l’expropriation de GAC à l’expansion de la SMB, il n’y a qu’un seul pas. Quelques mois à peine après l’éviction de Guinea Alumina Corporation pour un montant estimé à 1,4 milliard d’euros, Wazni annonçait en grande pompe l’ouverture d’une nouvelle mine de bauxite à Boké, le cœur battant de l’industrie extractive guinéenne. Derrière cette expansion, la SMB affiche déjà une puissance redoutable : 30 millions de tonnes de bauxite extraites par an, une capacité qui ne cesse de croître, comme si l’expropriation n’avait été qu’un prélude à un renforcement d’hégémonie.
Le rouleau compresseur SMB-Winning est impitoyable et destructeur pour l’avenir du secteur. Né en 2014 de l’alliance entre Wazni, le géant chinois China Hongqiao et l’armateur singapourien Winning Shipping, ce consortium devenait dès 2018 le premier exportateur de bauxite du pays avec 42 millions de tonnes par an, bouleversant la hiérarchie minière guinéenne. La logistique est verrouillée par UMS : routes, ponts, ports minéraliers sur le Rio Nunez. Rien n’échappe à la mainmise du clan Wazni.

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« Oublie le fer, rafle l’alumine. C’est implacable. » Car pendant que le pays s’enlise dans le feuilleton de Simandou, Wazni consolide son véritable empire autour d’une ressource plus stratégique encore que le fer : l’aluminium du futur.
Derrière ce succès, une réalité : les rencontres répétées entre Fadi Wazni et le putschiste au pouvoir. Les audiences accordées à huis clos ont pavé la voie à l’obtention du juteux programme d’alumine. Un tableau d’audiences, soigneusement dissimulé aux communiqués officiels, révèle la régularité de ces entretiens stratégiques. À chaque étape, une concession politique ou économique, jusqu’à l’accord final de mars 2024. L’eau avait déjà coulé sous le pont, et c’est ce fil invisible de tractations qui a permis un monopole total et un marché scellé au sommet.
Décembre 2023, une audience officieuse avec le putschiste pour faire « l’état des lieux minier » : en coulisse, un accord de principe sur la raffinerie. Mars 2024, une autre audience sous couvert de « partenariat industriel » : cette fois, la validation officielle du projet d’alumine tombe, scellant l’affaire. Ce carnet d’audience suffit à comprendre comment le nouveau baron de la bauxite a noué son destin industriel : non pas dans la poussière des mines de Boké, mais dans les bureaux feutrés du pouvoir.
Et c’est là que tout s’éclaire : ce n’est pas la Guinée qui tient ses mines, mais ses mines qui tiennent la Guinée.
Par Siba Beavogui