Par Alpha Condé, dans la légende des vivants
Il était une fois une terre nommée Guinée, fertile et fière, où les ancêtres conversaient avec les rivières et les collines. Une terre d’or et de sel, bénie par les vents de l’Atlantique et nourrie par les eaux du ciel. Mais cette terre, naguère protégée par les totems des anciens, fut livrée à une horde de profanateurs vêtus de treillis et d’arrogance.
Alors, le ciel pleura.
Ce ne furent pas des larmes ordinaires, mais un torrent sacré, tombé du trône invisible de Dieu, comme au temps de Noé, comme à l’heure où Pharaon fut submergé pour avoir défié la justice divine. Ce n’était pas une pluie : c’était une colère. Une colère qui s’écoulait dans les caniveaux de l’indifférence, s’étendait dans les ruelles abandonnées, remontait dans les maisons des pauvres comme un fleuve vengeur.
Et dans ce fracas d’eau et de silence, une voix s’éleva. Celle d’un homme que le peuple appelle encore le Professeur. Celui qu’on croyait banni, trahi, enseveli sous le poids de la trahison. Il revint, non pas comme un roi en exil, mais comme un Phénix parlant depuis les cendres, un patriarche au seuil de la tempête.
Il parla non comme un politicien, mais comme un oracle.
« Ce n’est pas la pluie qui vous noie, enfants de Guinée. C’est le mépris. Ce n’est pas la nature qui vous trahit, mais l’imposture. Chaque année, la même plaie s’ouvre. Chaque année, le même cri sans réponse. Mais ce n’est pas une malédiction divine. C’est le résultat d’une gouvernance amputée de cœur et de vision. »
Le peuple avait faim d’entendre cela.
Il poursuivit, comme s’il récitait une tablette oubliée gravée dans la roche d’un temple antique :

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« À vous, femmes qui avez perdu vos foyers ; à vous, hommes qui ne dormez qu’avec l’œil ouvert, redoutant que l’eau n’engloutisse vos enfants… Je vous le dis : votre douleur est sacrée. Elle est notre serment. Ce régime vous a abandonnés. Mais vous n’êtes pas seuls. Car l’histoire n’a jamais été du côté des tyrans. Elle appartient à ceux qui résistent et qui se relèvent. »
Et tandis que les eaux engloutissaient Conakry comme autrefois Babylone, Alpha Condé dressait un miroir devant le monde : celui de la honte.
« Ce n’est pas un pays pauvre, la Guinée. C’est un pays pillé. L’argent existe, mais il coule dans les poches d’un pouvoir plus préoccupé par sa propagande que par ses citoyens. Ce n’est pas la pluie qui tue, c’est la corruption. Ce n’est pas la fatalité, c’est l’échec d’un État qui s’est transformé en clan. »
Alors, les tambours invisibles résonnèrent.
Les ancêtres, dit-on, entendirent ses mots dans le vent. Le fleuve Konkouré en gonfla ses flots. Les montagnes du Fouta en frémirent. Et même les enfants, pieds nus dans les flaques, levèrent les yeux vers les cieux en murmurant : « Le vieux lion n’est pas mort. »
Et Alpha, devenu plus qu’un homme, mais moins qu’un mythe, conclut son appel comme on jette un bâton de feu dans un marécage :
« Le moment viendra où la Guinée lavera son nom dans une eau plus pure que celle des inondations. Ce jour-là, ce ne sera plus un déluge de larmes, mais une vague de justice. Et je vous le jure : le peuple ne sombrera pas. Il renaîtra. »
Ainsi parla-t-il. Et son verbe s’inscrivit dans la mémoire du fleuve.
Et Conakry, trempée mais éveillée, sut que l’histoire recommençait.
Commentaire : Siba Beavogui