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Après des manifestations meurtrières, le président kényan annonce le retrait du projet de budget

Le président kényan essaie de mettre fin à la vague de contestation que connaît son pays. William Ruto a annoncé, mercredi 26 juin, le retrait du projet de budget 2024-25 prévoyant des hausses de taxes, à l’origine de la puissante mobilisation qui a sombré mardi dans une violence meurtrière.

« Après avoir écouté attentivement le peuple kényan, qui a dit haut et fort qu’il ne voulait rien avoir à faire avec ce projet de loi de finances 2024, je m’incline et je ne promulguerai pas le projet de loi de finances 2024, qui sera par conséquent retiré », a déclaré William Ruto dans un discours au lendemain d’une journée de manifestation contre ce texte qui a fait vingt-deux morts, selon la Commission nationale des droits humains du Kenya (KNHRC), organisme officiel de défense des droits humains.

« Après l’adoption du projet de loi, le pays a été témoin d’une large expression de mécontentement à l’égard du projet de loi tel qu’il a été adopté, qui a malheureusement entraîné des pertes de vies humaines et des destructions de biens », a ajouté le chef de l’Etat.

« Puisque nous nous sommes débarrassés du projet de loi de finances 2024, il est nécessaire d’avoir une conversation en tant que nation à l’avenir. (…) Comment gérer ensemble notre situation d’endettement ? (…) Je proposerai un engagement avec les jeunes de notre nation, nos fils et nos filles », a-t-il affirmé.

Cette annonce a été saluée par les Etats-Unis, où le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a salué des mesures visant à « réduire les tensions », dans un entretien avec M. Ruto.

Une « opération de com »

Hanifa Adan, figure du mouvement de contestation antigouvernementale au Kenya, a qualifié mercredi « d’opération de com » l’annonce par le président William Ruto. « Le projet de loi est retiré mais allez-vous ramener vivants tous ceux qui sont morts ? », a demandé sur X cette journaliste et militante. « N’oubliez pas. Ne pardonnez pas », a-t-elle ajouté.

Le vote du texte mardi par le Parlement, où le parti présidentiel Kenya Kwanza est majoritaire, a déclenché la colère des manifestants réunis non loin, à Nairobi. Assez calmes depuis une semaine, les manifestations ont tourné au drame. Vingt-deux personnes ont été tuées lors des rassemblements contre le gouvernement, a annoncé à l’Agence France-Presse (AFP), mercredi 26 juin, Roseline Odede, la présidente de la KNHRC.

Mme Odede a affirmé que son organisation avait « ouvert une enquête ». Un précédent bilan donné par l’Association médicale du Kenya avait fait état d’au moins treize morts à la suite de cette journée qui a viré au chaos.

Le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a réclamé que les responsabilités soient « clairement » établies après la mort de plusieurs manifestants au Kenya. « Quand la police ou les forces de sécurité font un usage meurtrier de la force, nous voulons que des enquêtes soient menées pour établir clairement les responsabilités. Et nous ne doutons pas que le système judiciaire kényan y parviendra », a déclaré Stéphane Dujarric.

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Les journaux kényans ont été choqués par les violences qui ont eu lieu au cours des manifestations. Mercredi 26 juin, le quotidien The Standard a titré son numéro « Morts, désordre », tandis que le Daily Nation a qualifié la situation de « Pandémonium », estimant que « les fondations du pays ont été profondément ébranlées » par les nombreux morts et les scènes de chaos qui ont eu lieu dans le centre de la capitale, Nairobi.

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Les manifestants ont ainsi pris d’assaut le Parlement, une première dans l’histoire du pays indépendant depuis 1963. Mercredi 26 juin, au matin, une forte présence policière était déployée autour du bâtiment étatique, où des effluves de gaz lacrymogène flottaient encore dans l’air, a constaté l’AFP.

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La police a tiré à balles réelles, selon des ONG

Les rassemblements, principalement menés par des jeunes, avaient pourtant débuté la semaine dernière dans le calme. Des milliers de personnes, défilant à Nairobi et dans d’autres villes du pays, protestaient contre les nouvelles taxes prévues dans le budget 2024-2025, actuellement débattu au Parlement. La tension est brusquement montée, mardi 25 juin, alors que les opposants manifestaient pour la troisième fois en huit jours.

Selon des ONG, dont la branche kényane d’Amnesty International, la police a tiré à balles réelles pour tenter de contenir la foule, qui a forcé les barrages de sécurité pour pénétrer dans l’enceinte du Parlement. Des bâtiments ont été saccagés et partiellement incendiés, notamment à Eldoret, dans la Vallée du Rift, le fief régional du président. Des pillages ont également eu lieu à Nairobi et dans plusieurs villes.

Le gouvernement a, par la suite, déployé l’armée pour soutenir la police face à cette « urgence sécuritaire » et à ces « destructions et intrusions dans des infrastructures cruciales ». Dans la soirée de mardi 25 juin, le président Ruto a affiché sa fermeté en s’engageant à réprimer fermement la « violence et l’anarchie ». Il a notamment promis de faire payer les « criminels se faisant passer pour des manifestants pacifiques » qui font « régner la terreur contre le peuple, ses représentants élus et les institutions ».

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Le gouvernement a été pris de court par l’intensité de l’opposition à ses projets de hausses fiscales, principalement menée par les jeunes Kényans de la génération Z (nés entre 1997 et 2010). La principale coalition d’opposition, Azimio, menée par l’opposant historique Raila Odinga, a accusé le gouvernement d’avoir « déchaîné sa force brute » contre les manifestants et exhorté la police à « cesser de tirer sur des enfants innocents, pacifiques et non armés ».

La communauté internationale « fortement » préoccupée

Un groupe d’ONG, mené par Amnesty International Kenya, a également souligné, mardi 25 juin, avoir relevé vingt et un enlèvements de personnes par des « officiers en uniforme ou en civil » au cours des vingt-quatre heures précédentes. Des accusations auxquelles la police, sollicitée par l’AFP, n’a pas réagi. Les violences et scènes de chaos à Nairobi ont alarmé les Etats-Unis et plus d’une dizaine de pays européens, ainsi que les Nations unies (ONU) et l’Union africaine (UA). Ils se sont déclarés « fortement préoccupés » par les violences et ont appelé au calme.

Le mouvement de contestation contre les taxes, baptisé « Occupy Parliament » (« Occuper le Parlement »), a été lancé sur les réseaux sociaux peu après la présentation, au Parlement, le 13 juin, du projet de budget 2024-2025. Il prévoyait notamment une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 16 % sur le pain et une taxe annuelle de 2,5 % sur les véhicules particuliers. Après un début de contestation, le gouvernement, qui juge de nouvelles taxes nécessaires au vu du fort endettement du pays, a annoncé le 18 juin retirer la plupart des mesures prévues à cet effet. Mais les manifestants demandent le retrait intégral du texte.

Avant la journée de mardi 25 juin, la mobilisation avait déjà été marquée par la mort de deux personnes à Nairobi, ainsi que des dizaines de blessés et des centaines d’arrestations.

Le Monde avec AFP

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