Sanctions, Constitution, Alpha Condé…cas des anciens PM : Dr. Morissanda Kouyaté « vide son sac » devant des diplomates de l’OIF
Suspendue des instances de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), depuis le 5 septembre 2021, la Guinée joue son « va-tout » en vue de son retour au sein de la « famille francophone ». Pour ce faire, le ministre guinéen des Affaires Étrangères a été entendu par le Conseil Permanent de la Francophonie.
Un exercice au cours duquel Dr. Morissanda Kouyaté a plaidé auprès de cet organe de l’OIF d’accepter le retour de la Guinée a sein de l’organisation. Dans un discours au vitriol tenu à cette occasion, pendant une trentaine de minutes, le chef de la diplomatie guinéenne s’est exprimé sur plusieurs points dont l’état d’avancement du processus du retour à l’ordre constitutionnel. Le ministre ne s’est pas limité là. Il a exhumé et exposé devant ces diplomates tous les maux qui ont conduit la Guinée vers le coup d’Etat en septembre 2021. Alpha Condé, les anciens Premiers ministres, chacun a eu sa « dose ». Africaguinee.com vous propose quelques points saillants de son argumentaire.
« De 1958 à 2021, notre pays a connu 5 cinq changements non constitutionnels dont le plus grave fut le régime précédent qui a décidé de jeter la Constitution qu’il n’arrivait pas à déverrouiller pour accorder un troisième mandat non autorisé à son leader pourtant démocratiquement élu. L’organisation de la Francophonie, est la mieux placée pour moi pour connaître ce douloureux épisode. C’est elle seule, pendant que le peuple était dans la tourmente qui a refusé de collaborer, d’apporter son soutien pour appuyer cette mascarade alors que notre pays a été abandonné au motif que nul ne pouvait contre la dérive d’un système, et d’un homme. C’est le lieu de vous saluer et vous remercier au nom de notre peuple, de notre gouvernement et de notre président.
La Constitution qui avait été écrite et imposée par un simulacre de référendum, pour avaliser le 3èmemandat, a été adoptée par la force et réécrite après son adoption. C’est une situation ubuesque et unique au monde. Que les leaders du pays décident de changer, de jeter la Constitution, d’écrire une autre à sa mesure est une chose peut-être, compréhensible, mais la faire adopter et puis, faire des ajouts à ce qui a été adopté, est à la fois inique politiquement et inacceptable moralement. C’est ce que notre pays a subi. C’est sur ce champ de ruines sociale, politique et économique que la Guinée, pendant son errance, s’est délivrée le 5 septembre 2021, grâce à ses fils qui ont refusé cette fatalité. C’est pour vous dire que les causes du changement intervenus en Guinée, sont différentes qu’ailleurs et sont spécifiques. Pour peu que l’on analyse, la vérité surgit et la Guinée sort de la généralisation abusive et facile.
Malheureusement, au lieu de venir présenter des excuses pour avoir abandonné notre pays et ses populations à ce cruel sort issu d’un 3ème mandat sanglant, des organisations internationales empruntèrent la voie facile, la mise en marche automatique et stéréotypée des sanctions, qui, au lieu de frapper les causes et les auteurs, s’attaquent au peuple victime. Le changement intervenu le 5 septembre 2021 n’est pas un changement anticonstitutionnel comme certains aiment à le dire. C’est plutôt un changement pro Constitutionnel car, il s’est agi de défendre une Constitution balafrée, malmenée puis jetée loin du peuple pour lequel il servait de loi fondamentale. Un véritable coup d’Etat civil comme il en existe très souvent. En Guinée, il s’est agi donc d’un coup anti coup d’Etat. Notre pays, notre peuple, au lieu de se lamenter derrière la communauté internationale qui l’avait déjà rayé de la liste ses priorités, a pris ses destinées en main.
C’est pour ces raisons que nous demandons de comprendre que pour la République de Guinée, le terme retour à l’ordre constitutionnel devrait plutôt être remplacé par le retour à l’ordre démocratique car Constitution, nous n’en avions plus. Bien entendu, l’ordre démocratique inclut la Constitution, que nous voulons cette fois-ci, sorti des entrailles des tréfonds de nos populations. Une Constitution inviolable et résistant à la tentation des hommes. C’est tout un programme mais cela est possible.
En donnant la parole à la Guinée aujourd’hui, l’organisation internationale la Francophonie qui travaille avec nous depuis 2022, semble lui mais dans l’efficacité totale, confirmer sa qualité première, et je vous en remercie et vous félicite. Celle de se mettre toujours du côté des populations, dont les responsables politiques et administratifs, ne sont que des mandataires. Depuis le 5 septembre, le président de la République de Guinée a fixé le cap pour faire de la République de Guinée, un pays au service de ses populations et reposant sur le trépied social, économique et politique.
Pilier social
Il s’agit de recoudre et renforcer le tissu social, déchiré par le clientélisme politique, ceci s’est matérialisé par l’organisation des assises nationales à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, dans toutes les Ambassades, dans tous les pays.
L’organisation d’un dialogue inter-guinéen, inclusif, qui a réuni toutes les composantes de la société guinéenne sans exclusion. Évidemment, nous respectons le choix de chaque guinéenne et de chaque guinéen, y compris de ceux qui ont refusé de se mettre autour de la table, une table nationale qui reste en permanence disponible car la vie d’une nation se construit par le dialogue et le vivre ensemble pas à pas.
Le pilier politique
La ligne politique de notre gouvernement est aussi basée sur le dialogue avec les divers acteurs politiques et sociaux du pays. Le président de la République dans son message de nouvel an (2024), a lancé une fois de plus, un appel à tous les acteurs. La plupart ont répondu favorablement d’autres ne l’ont pas fait encore, le gouvernement respecte leur choix et leur garde toujours la porte ouverte. Mais je dois dire une chose importante, notre pays qui a vécu dans la prévarication, la corruption pendant de longues années, a vu un phénomène très simple, ceux qui ont dirigé le pays en tant que ministres, premiers ministres, se sont transformés subitement en leaders politiques, c’est un piège, mesdames et messieurs. Tu les entends à dire : je suis persécuté, parce que je suis politicien. Mais avant d’être politicien, qu’a-t-il fait ? (…).
Par ailleurs, certains parmi nous qui suivent le procès du massacre du 28 septembre 2009, vous devez beaucoup réfléchir sur le cas de la Guinée, nous avons beaucoup subi, notre peuple a trop subi. Des tueries, des massacres, des violations de droits. Depuis notre indépendance nous sommes sous sanctions, la mauvaise gouvernance. Nous voulons une fois pour toute, mettre fin à cela. Le chef de l’État s’est engagé à organiser du massacre du 28 septembre 2009. La communauté internationale nous a dit, il faut faire le jugement, organiser, nous allons venir vous aider, personne ne nous a aidés. Le chef de l’Etat a pris la décision d’organiser ce procès qui se déroule maintenant à Conakry à ciel ouvert, sur les médias, les réseaux sociaux, tout a été payé par la Guinée. La communauté internationale qui nous pressait d’organiser ce procès n’a pas payé un franc. Mais est-ce qu’elle est obligée de payer un franc, non. Ce sont des Guinéens qui ont massacré d’autres guinéens, nous avons pris nos responsabilités. Ceux qui ont réclamé à cors et à cris la tenue de ce procès, se sont érigés en simple spectateurs et téléspectateurs de ce procès.
Accord avec la CEDEAO, l’OIF, 3ème mandat d’Alpha Condé
La Guinée avance, nous faisons des reformes politiques, constitutionnelles, institutionnelles et électorales, nous sommes en train de le faire avec vous d’ailleurs. Vous êtes les témoins parce que vos experts sont dans nos murs. Comme vous le savez, en octobre 2022 le gouvernement guinéen avait trouvé un compromis dynamique avec la CEDEAO. Nous avons refusé le clash avec la CEDEAO parce qu’elle est notre organisation, comme l’OIF. La Guinée étant membre fondateur de la CEDEAO nous avons eu une autre approche : parler avec notre organisation. Mais vous devez le savoir, cette organisation nous avait laissé tomber. Lorsque la Constitution a été jetée et le fichier électoral est devenu flou et magique, la CEDEAO et l’OIF sont venues en Guinée. L’OIF dit ‘’votre fichier n’est pas bon, nous allons le refaire en 6, 7 mois’’, le président d’alors a dit ‘’non moi je veux mon 3ème mandat. L’OIF a dit ‘’si tel n’est pas le cas, si nous ne pouvons pas vous aider à faire un vrai fichier, nous partons’’, vous êtes partis. C’est tout à votre honneur madame la secrétaire générale.
La CEDEAO a dit qu’elle pouvait jouer (…). C’est-à-dire qu’en une nuit alors que deux millions d’électeurs étaient flous on ne savait pas où ils étaient, la CEDEAO a dit ‘’de 19h à 6h du matin je pourrai les retrouver et les placer là où ils doivent être placés’’ et le matin ils l’ont fait. Ils ont dit ‘’le fichier est nettoyé, c’est bon vous pouvez aller au vote’’. Bien sûr, le peuple n’est pas bête, nous savions ce qui s’était passé et rien n’a été fait par la CEDEAO. C’est la même CEDEAO qui, lorsqu’il y a eu le changement en Guinée qui est revenue pour dire : ‘’qu’est-ce que se passe ici, vous êtes suspendus’’. Les sanctions ont commencé à tomber. Et on nous dit dans 6 mois revenez à la case de départ c’est-à-dire dans 6 mois ramenez ceux qui ont choisi la constitution à leur place dans 6 mois, nous avons dit ‘’non, cette fois-ci nous n’allons pas le faire, nous allons travailler avec les organisations que vous êtes pour faire de la Guinée un pays qui va maintenant résister à ces choses. Nous en avons honte d’être comme ça’’.
Constitution
Sur le plan constitutionnel, je ne vous apprends rien, vous savez la paraisse intellectuelle fait que dans beaucoup de nos pays francophones on a refusé de réfléchir, de trouver des textes qui sortent de ce que j’appelle des entrailles de nos populations, des textes qui sortent du vouloir, des aspirations de nos populations. On s’est contenté du copier-coller du code napoléonien. Cette fois-ci aidez-nous et vous êtes en train de le faire. Aidez-vous à faire une constitution qui ressemble et qui rassemble les Guinéens.
Nouveau système électoral
Le gouvernement travaille à moderniser le système électoral guinéen en dotant d’un nouveau code électoral garantissant durablement les processus électoraux libres, fiables et transparents tel que prescrit par la déclaration de Bamako du 3 novembre 2000 dont la Guinée est signataire, qui soit à l’abris des influences partisanes.
Le RAVEC
Posez la question à 10 Guinéens sur le nombre de la population, le chiffre simplement, chacun aura un chiffre dépendant de son parti politique, dépendant de ses tendances politiques. Ce sont ces chiffres que nous avons en Guinée. Alors comment pouvons-nous faire nos projets si nous ne connaissons pas nos populations ? Le recensement, le RAVEC c’est d’abord savoir combien nous sommes au total pour bâtir nos programmes et non simplement pour faire des élections. Les élections sont extrêmement importantes mais le bonheur des populations est plus important que ça parce que les élections elles-mêmes sont là pour renforcer ce bonheur de la population. Il y en a qui n’existe pas sur plan de l’état civil, c’est ce que nous voulons faire d’abord. C’est nous qui pourrons le faire, les hommes politiques quand ils sont au pouvoir c’est difficile qu’ils le fassent. Nous allons le faire en âme et conscience pour notre pays.
Aujourd’hui nous sommes activement dans le processus du recensement administratif à vocation d’état civil. Tout est en place et nous avons commencé déjà. Le rythme de mise en œuvre de ce chantier était bien tenu par le gouvernement, nous y allions très bien et soudain est survenu ce que vous avez tous suivi l’explosion en décembre 2023 du plus grand dépôt du carburant dans la capitale Conakry. A 2h du matin tout le système de stockage et de distribution du carburant en Guinée a sauté en éclat, en une heure tout est parti, le pays s’est réveillé sans rien sauf le carburant qui était dans les réservoirs des voitures (…). Cela a frappé l’économie de notre pays dans son cœur. Jusqu’à présent le pays tourne au ralenti dans toutes ses activités.
Je tiens à vous rassurer qu’en dépit de ce cas de force majeure et d’autres contraintes, le gouvernement maintient son élan à remplir les objectifs de la refondation conformément à la volonté et aux engagements du président de la république. Mais nous ne faisons pas cela pour les yeux doux de nos partenaires, nous faisons cela d’abord pour nos populations, nous voulons restituer l’espoir et la prospérité à nos populations.
La transition
Le président de la transition a pris le pouvoir dans les conditions où la démocratie était en ruine. La ligne de mire qu’il a tracée depuis est d’endiguer à la racine des maux qui ont jalonné le parcours de la démocratie en Guinée. Dès lors, la transition actuelle ne doit pas être un simple passage de témoin, elle doit être plutôt une occasion de bâtir des fondations politiques, institutionnelles et sociales du pays, abimées par tant de décennies de gouvernance hasardeuse et de pratiques aux antipodes de l’Etat ayant fracturé la société guinéenne.
Le président a instruit au gouvernement d’orienter résolument son action vers la réalisation des conditions d’un encrage durable de la vie politique actuelle, de la démocratie participative et inclusive, l’Etat de droit et du respect des droits de l’homme en Guinée sous la base des standards internationaux en la matière. C’est une œuvre de fondation d’un nouvel Etat définitivement débarrassé des écueils, nous ne souhaitons plus un système où un président de la république aura la latitude sans limite de modifier la constitution à sa guise pour satisfaire ses appétits électoralistes individuels et son confort personnel.
Levée de la suspension de la Guinée au sein de l’OIF
Au nom du chef de l’Etat, je salue l’appui inestimable que l’OIF apporte à la Guinée depuis maintenant deux ans et soyez les porte-paroles auprès de vos chefs d’Etat et des gouvernements. Je suis venu ici pour vous dire que par respect pour l’OIF nous avons accepté la sanction automatique de notre organisation, nous avons accepté à cause de ce respect le message qu’elle nous a adressé à travers la résolution adoptée le 16 septembre 2021, lors de la 116 session extraordinaire du conseil permanent de la francophonie. C’est pourquoi depuis le début, nous n’avons pas voulu rompre le lien avec l’OIF. Au contraire nous faisons tout pour demeurer dans la famille, notre famille et pour retrouver notre place. Ne nous laissez pas en dehors de la famille, ne mettez pas un enfant de la famille hors de la concession alors qu’il fait nuit, alors qu’il y a des hyènes, des serpents… faites-nous entrer dans cette famille et travaillons ensemble.
Les populations Guinéennes ne comprendraient jamais que l’OIF qui s’est tenue à leur côté dans le combat contre la destruction de la constitution continuerait à punir leur pays en voie de construction d’un Etat fort et respectueux des valeurs humaines et démocratiques. En levant la suspension de la république de Guinée, l’OIF s’inscrirait dans la dynamique positive d’autres partenaires comme la CEDEAO qui malgré tout lors de son dernier sommet extraordinaire du 24 février 2024 a levé les sanctions qu’elle avait adopté à l’encontre de notre pays. Les représentants de nos conseillers nationaux de la transition ont réintégré le parlement de la CEDEAO et occupent même des places importances dans les commissions parlementaires de la CEDEAO. Sortons du cycle vicieux changement non constitutionnel, sanction, retour à la case de départ, sortons de cela, essayons autres choses ensemble, qui pourraient être une solution dans l’avenir pour le reste du monde. Faites-nous entrer dans la concession ».
Une synthèse d’Africaguinee.com