En l’espace d’une décennie, deux sociétés de téléphonie ont déposé le bilan et deux autres sont surendettées dans un environnement concurrentiel dompté par une seule société avec plus de 75% des parts de marché.
Cette réalité remet en cause les méthodes et actions de régulation à la fois de la concurrence mais aussi celles en lien avec l’octroi des licences, autorisations et le suivi des performances. En tirant les leçons du crash de la Sotelgui, d’Intercel Guinée et des difficultés liées au rachat en catimini de la société Cellcom, il est nécessaire que l’Etat puisse lui-même travailler sur un plan de redressement de la société MTN Guinée d’autant plus que ce dernier est actionnaire à hauteur de 12,5% dans ladite société.
Face à la demande de retrait des titres sociaux de l’actionnaire majoritaire Areeba.SA (75% des parts d’action) du capital par faute de résultats positifs depuis plusieurs années, engendrant ainsi une offre publique de vente (OPV) sur la société, les autres actionnaires n’ont de choix que dans la conclusion d’un accord au risque de perdre la société car il est important de noter que l’investisseur principal Areeba.SA a déjà amorti et fait plusieurs retours sur investissement entre son entrée sur le marché guinéen où elle fut opérateur dominant avant son déclin au profit de la société Orange Guinée.SA.
Après qu’un premier potentiel acheteur de la société ait plié bagage et la peine actuelle qui existe dans la conclusion de l’OPV avec un deuxième candidat, plusieurs inquiétudes y compris celles en lien avec le sort des travailleurs de la société occupent les esprits et cela soulève des questions sur les différentes approches si elles existent.
En effet, les causes qui empêchent la conclusion de l’achat de la société MTN Guinée par un investisseur capable d’injecter des ressources financières afin de la redresser tirent leurs sources à la fois de la mauvaise gouvernance de la société elle-même dans le temps mais aussi des décisions politiques et de régulation du pouvoir public. Ces flops ont eu pour conséquence le surendettement de la société.
On parle de près de 80 millions $ USD de dette et dont les plus de 80% sont des créances de l’Etat qui sont constituées d’arriérés de redevances et de coûts de renouvellement et d’achat de licences. L’octroi de la licence 4G à la société pendant qu’elle était au bord de la faillite fut l’une des décisions politiques qui ont affecté cette dette qui freine aujourd’hui la conclusion sans compromis d’un quelconque achat d’actions majoritaires ou de liquidation.
Il est à rappeler que la règle qui stipule qu’aucune licence ne doit être concédée sans que le demandeur n’ait la capacité technique et financière de l’exploiter fut violée au nom d’une certaine logique de rééquilibrage de la concurrence et du monopole sur le marché !
Étant dans une situation où l’actionnaire principal n’investit plus dans le CAPEX et où l’OPEX peine à être maitrisée, quelles solutions peut-on mettre en œuvre pour éviter la fermeture de la société MTN Guinée ?
Il faut rappeler que face au poids de la dette qui est supérieure à la valeur vénale de la société, les approches ordinaires de liquidation et de conclusion d’OPV sur actions sont difficiles voire impossibles à être matérialisées. A la suite d’une longue analyse, deux approches sont à explorer à savoir :
Approche 1 : la revalorisation de la dette dont l’Etat est le créancier principal !
Cette approche consiste à revoir à la baisse la dette (limite payable par le débiteur) afin de soulager le poids qui pèse sur lui et rééquilibrer la valeur vénale de l’entreprise qui pourrait engendrer l’intérêt des potentiels acheteurs et investisseurs autour de la société. Dans un contexte de transition et de vache maigre pour les finances publiques, la matérialisation de cette approche risque d’avoir des difficultés au sein de l’appareil étatique.
Approche 2 : l’augmentation de capital par compensation de créances !
Elle est souvent utilisée dans le cadre de l’amélioration des conditions financières des sociétés en difficulté. Cette approche consiste à échanger les créances d’un actionnaire ou d’un partenaire en titres sociaux. Dans le cas de MTN Guinée, elle consistera à transformer les créances de l’Etat et des autres créanciers de la société en actions dans son capital.
Cela permettra la hausse du capital et la suppression de la dette. L’un des freins de cette approche reste la supériorité de la dette à la valeur vénale de la société. Cette contrainte amène l’Etat qui doit sauver les emplois et ses 12,5% d’action à faire une concession sur sa dette. Pour sauver les emplois et la société MTN Guinée du dépôt de bilan, l’Etat est dans l’obligation de matérialiser cette approche en transformant la totalité de sa dette en action réduite dans le capital.
En conclusion, l’approche 2 me semble être la plus adaptée à l’environnement actuel du marché. Elle permettra à la fois d’accroître les parts d’action de l’Etat dans la société et d’ainsi obtenir une société mixte qui pourra obtenir un résultat appréciable dans la mesure d’une gouvernance saine. Pour cela, une privatisation avec de nouvelles conditions pourrait être la meilleure option.
KABA MAMADI Spécialiste des Télécommunications & du développement Numérique Auteur du livre : “Les Freins du développement Numérique en Guinée et ma Vision”
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